Le public l'avait découvert en 2004 à l'âge de 13 ans dans le deuxième long métrage d'Abdellatif Kechiche, L'Esquive. Dans ce film primé quatre fois aux César, Osman Elkharraz interprétait le premier rôle masculin, Krimo, un adolescent tombé sous le charme d'une jeune fille exubérante campée par l'actrice Sara Forestier. Après avoir connu une brève notoriété, le jeune homme a malheureusement sombré dans la misère, retournant dans une vie de galères. Sara Forestier et Sabrina Ouazani, qui lui donnait également la réplique dans le film, ont poursuivi leur carrière au cinéma avec brio. Pas lui.
Dans un récit fougueux publié le 11 mai aux éditions Stock et intitulé Confessions d'un acteur déchu, Osman Elkharraz s'est ainsi confié sur le début de sa "descente", qu'il a vécue sur fond de drames enlisés depuis sa plus jeune enfance. Sa mère est morte d'une rupture d'anévrisme lorsqu'il était âgé de 10 ans. Son père a été incarcéré au Maroc pour trafic et est décédé quelques années plus tard à la suite d'un empoisonnement. Cette semaine, le magazine Les Inrockuptibles dresse son portrait, retraçant son parcours mouvementé, de la lumière à la misère. Installé avec ses frères et soeurs dans le pavillon familial à Colombes, Osman Elkharraz multiplie les délits : vols, cambriolages, il fricote avec l'interdit et le danger.
Abdellatif Kechiche nous faisait ressentir la pression
Jusqu'au jour où il est remarqué par une directrice de casting lors d'une virée au centre commercial, à la Défense. Après un échange de contacts et un essai réussi au casting, il apprend qu'il a "tapé dans l'oeil d'un réalisateur" qui souhaite démarrer prochainement le tournage de son nouveau film. Il s'agit d'Abdellatif Kechiche. "On a eu deux mois de répétitions. On a commencé à se connaître les uns les autres, avec Sara Forestier, Sabrina Ouazani et Nanou Benhamou", a-t-il confié jeudi 12 mai sur le plateau de l'émission C à vous. L'équipe est soudée mais l'ambiance sur les plateaux se complique, notamment du fait du caractère complexe d'Abdellatif Kechiche, dont les méthodes difficiles avaient déjà été évoquées par Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos lors de la sortie de La Vie d'Adèle. "Franchement, le tournage était magnifique, c'était une expérience formidable, c'était comme une grande famille pendant deux mois de répétitions. Mais c'est vrai que [Abdellatif Kechiche] avait la pression au niveau des budgets, les producteurs passaient et il n'hésitait pas à nous fait ressentir cette pression", a-t-il poursuivi.
Crises d'hystérie, embrouilles, tensions régulières, horaires à rallonge... Osman Elkharraz craque et finit par être "esquivé" de la promotion du film au moment de sa sortie. Il assure l'enregistrement de l'émission de Thierry Ardisson et se rend à la cérémonie des César mais n'est pas convié à assurer le reste des interviews, contrairement à ses jeunes collègues. La chute débute. "Ça a été le retour à la réalité. Pas d'électricité chez moi, la galère. J'ai quand même continué parce que j'y croyais. Grâce à un ami, je me suis inscris au cours Florent et j'y allais mais j'ai vu que ça ne marchait pas. J'ai enchaîné d'autres galères dans ma vie, des décès..." Il se retrouve sans domicile fixe, passe ses nuits dans des foyers sociaux ou dans des locaux à poussettes et multiplie les petits jobs alimentaires. Aujourd'hui, Osman Elkharraz espère que son récit permettra de faire toute la lumière sur les rouages d'un métier féroce. Son livre est aussi sa thérapie.
S.L.