Le cinéaste Pedro Almodovar est en couverture de So Film, offrant au magazine une interview-fleuve passionnante sur son métier et sa vision du cinéma. La Movida, les conséquences de l'attentat de Madrid, le Festival de Cannes, les limites de la pudeur dans ses films... Il aborde de nombreuses questions et y répond avec une franchise déconcertante. Evidemment, comme dans sa filmographie, les femmes tiennent une place de choix dans cet entretien, trois plus précisément : l'une de ses actrices fétiches, Penélope Cruz, sa mère et Catherine Deneuve.
Quand on lui dit que Penélope Cruz est filmée avec désir dans ses films, Pedro Almodovar pousse la réflexion encore plus loin : "Je reconnais que je la désirais quand je la filmais, pour de vrai. Je peux le dire maintenant que ce tournage est loin : Volver a été pour moi le paroxysme d'un désir énorme. Qui ne s'est jamais matérialisé. (Il réfléchit) Ceci étant dit, il y a eu des moments pendant nos tournages où elle n'était pas en couple... Mais bon, c'est mieux comme ça ! Je n'ai jamais eu de rapports de ce genre. Pour certains cinéastes, c'est très différent. Il y a des cinéastes qui ont fait leur meilleur cinéma avec les femmes qui partageaient leur vie. Et plus ils parlent mal de ces femmes, mieux c'est ! John Cassavetes, Ingmar Bergman, Woody Allen. Mais pas moi. Vous imaginez ? Vous vous réveillez le matin avec quelqu'un dans votre lit que vous allez devoir diriger l'après-midi ? Je ne veux pas vivre ça, moi." L'épouse de Javier Bardem, avec qui elle a eu deux enfants, a tourné sous la direction de Pedro Almodovar dans En Chair et en os, Tout sur ma mère, Volver, Etreintes brisées et apparaît dans Les Amants passagers.
Pour Pedro Almodovar, la plus grande des actrices spontanées est sa mère : "Elle n'avait aucun respect pour la caméra. Comme elle était la reine de la rue, il n'a pas été difficile pour elle de devenir la reine du plateau." Il avait toutefois confié que la comédienne Chus Lampreave faisait écho à sa propre mère. Elle vient de disparaître, à l'âge de 83 ans, après avoir collaboré huit fois avec lui.
S'il a pu tourner avec des grandes dames, il regrette ne pas pouvoir avoir Catherine Deneuve devant sa caméra, parce qu'il ne se sent pas capable de tourner en français. Il ajoute sur l'icône française : "Je dois dire que même si j'aime bien la Catherine mythique des années 1960, celle qui m'intéresse vraiment c'est la Catherine Deneuve mûre. J'étais frappé de voir comment quelqu'un qui était déjà une déesse depuis Les Parapluies de Cherbourg et Répulsion s'est transformée avec l'âge en une créature encore plus superbe et une plus grande actrice." Une fascination pour la star que partage Karin Viard, qui l'a confié récemment à Marie Claire, et d'innombrables admirateurs et admiratrices.
Pedro Almodovar revient au cinéma avec Julieta, adaptation de trois nouvelles du recueil Fugitives d'Alice Munro : "Hasard", "Bientôt" et "Silence". Devant sa caméra, Emma Suárez et Adriana Ugarte. Sa sortie est prévue le 18 mai, soit en plein Festival de Cannes. On imagine qu'il figurera dans la sélection officielle qui sera dévoilée le 14 avril prochain.