Pour beaucoup de spectateurs, mercredi 16 novembre devant Le Bataclan, la réouverture, la vraie, c'était lui. Quatre jours après le concert de Sting, le premier depuis les attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 90 victimes dans la salle, Peter Doherty se produisait dans un lieu qui lui est cher. Deux concerts qui affichaient complets depuis des semaines et, pour les fans, une attente qui s'est concrétisée par un show "à la Doherty".
Que faut-il comprendre ? Que c'était bordélique, irrévérencieux, tantôt rock'n'roll tantôt punk, je-m'en-foutiste au possible, et tout à la fois chaleureux et méchamment jubilatoire. On aime ou on n'aime pas, mais Pete Doherty ne laisse guère insensible. Le bad boy du rock anglais, cette vieille gueule d'ange qui ne fait rien comme les autres et en fait son credo, était, il faut bien l'avouer, l'ouverture idéale pour cette salle parisienne qui fut le théâtre de belles heures du rock, français comme international.
N'en déplaise à Sting, dont la philanthropie, la sagesse et la force tranquille contrastaient avec l'énergie titubante d'un Pete Doherty déchaîné. 21h, une jeune femme entre sur scène pour demander une minute de silence en mémoire des victimes... Minute qui durera montre en main 10 secondes. Le ton est donné, la page est tournée, et que vive le rock ! C'est sur La Marseillaise, reprise en choeur par un public fier, que Peter Doherty débarque sur scène, costume bleu foncé sur un débardeur blanc. Chapeau sur la tête, le sourire malicieux d'un gamin sur le le visage duquel on peut déjà lire qu'il va faire un sale coup, Doherty débute son concert par le touchant I Don't Love Anyone (Buy You're Not Just Anyone) avant d'embrayer sur Last of the English Roses, dont les paroles sont entonnées par le public.
Fidèle à sa nonchalance, à ses coups de mou comme à ses coups de sang, Pete Doherty est alors parti pour faire de ces 90 minutes un moment à part, baigné d'un esprit rock qui fait définitivement revivre le Bataclan. Très vite, l'odeur de la peinture fraîche laisse place à celle de la sueur mêlée à la bière reversée sur le plancher qui n'attendait que de ressentir cette ferveur depuis qu'il y a un an, 90 personnes se sont écroulées sous les balles de trois terroristes.
Il sera question de Daesh pendant le show rock'n'roll de Doherty. L'artiste, visiblement ému, s'adressera aux terroristes sans que l'on puisse vraiment en tirer une phrase cohérente. Si ce n'est ce "Fuck Forever Terrorism" écrit sur un drapeau bleu-blanc-rouge, référence au fameux Fuck Forever des Babyshambles (l'ancien groupe de Doherty) qui clôturera son concert de manière jubilatoire.
Entre-temps, Pete Doherty aura convié sur scène et à plusieurs reprises son pote Carl Barât, avec qui il avait monté The Libertines, l'un des groupes les plus marquants du rock britannique de ces dernières décennies. Le Bataclan est en délire, notamment lorsque le duo, plus complice que jamais, entame Up the Bracket, célèbre titre des Libs. Il aura également bien maltraité son matériel, presque autant que la langue française, il aura repris Oasis, embrassé son guitariste Jack Jones (sur le torse duquel était inscrit le nom de Nick Alexander, vendeur de merchandising mort au Bataclan) sur une scène où le mot bordel était de rigueur. Un joyeux bordel qui fait du bien.