La machine est lancée. À trois mois de la sortie en salles, Populaire de Régis Roinsard s'est révélé pour la première fois au public dans le cadre de La Semaine de la comédie, initiée par Télérama et UGC, le 29 août. L'occasion pour le producteur Alain Attal de sonder le potentiel de ce premier film haut en couleur avec Déborah François et Romain Duris, couple-star de cette histoire follement décalée sur les concours de vitesse dactylographique des années 50.
Avec une quinzaine de millions d'euros au compteur, cette comédie désuète calée sur le cinéma américain d'antan est clairement conçue comme un succès en puissance. Chose confirmée par l'intérêt du producteur Harvey Weinstein, qui a acquis les droits de distribution américaine via The Weinstein Company en mars après avoir vu vingt minutes du film. Les plus médiums prévoient une carrière à la hauteur de The Artist (2011) de Michel Hazanavicius, lui aussi sponsorisé par Weinstein, interprété par Bérénice Bejo, éclairé par Guillaume Schiffman et inscrit dans une cinéphilie très américaine. Avant que l'exception se reproduise, Populaire devrait conquérir sans aucun mal la France dans un raz-de-marée rose bonbon. Explications.
C'est une success story classique, hollywoodienne dans l'âme et irrésistible
Le déclic est né lorsque le réalisateur Régis Roinsard est tombé sur un documentaire montrant les concours de vitesse dactylographique. Interpellé, il décide de fouiner dans les archives pour explorer cette idée farfelue, poussé par sa passion pour les années 50 à écrire une histoire. Co-écrit par Daniel Presley, Romain Compingt et Roinsard lui-même, le scénario de Populaire arrive sur le bureau du producteur Alain Attal (Polisse, Radiostars). Il est conquis. Romain Duris est le premier à accepter le rôle principal masculin, débloquant ainsi les financements nécessaires.
Cette belle histoire du cinéma français clouera le bec à ses détracteurs, en plus de renouer avec la formule classique mais très efficace de la très hollywoodienne success story - toute ressemblance avec Rocky Balboa n'est pas qu'une coïncidence. Populaire raconte ainsi comment une fille maladroite mais charmante (Déborah François) quitte son petit village pour devenir secrétaire, métier le plus moderne pour une femme de 1958. Elle postule alors chez un patron de cabinet d'assurance (Romain Duris) qui est vite impressionné par ses capacités de dactylographe. Convaincu qu'elle ira loin, il la persuade de s'inscrire aux concours de vitesse, encadrant son entraînement en vue du championnat du monde. Prévisible, l'histoire évite presque tous les écueils du genre, provoquant un enthousiasme et un plaisir irrésistibles. Calibré pour le bonheur du public, Populaire est un plaisir même pas coupable.
C'est un duo d'acteurs craquant et inhabituel, qui ne se contente pas de réutiliser les visages connus
Venue présenter le film avec Romain Duris, Régis Roinsard et Alain Attal, Déborah François plaisantait sur scène : "Je n'ai pas eu à accepter le film, j'ai dû les convaincre qu'ils devaient m'accepter dans le film !" Car le réalisateur recherchait une comédienne "pas trop connue pour favoriser l'identification du spectateur à cette petite provinciale qui va se révéler au grand jour". Excellente idée à l'heure où les stars bankable sont une condition sine qua non pour les producteurs, persuadés que le public est satisfait des mêmes visages qui tournent en boucle.
Attachée aux films d'auteur, Déborah François, 25 ans, ne devrait pas manquer d'exploser avec ce premier rôle, dans lequel elle confirme son charme certain. Assistée du beau Romain Duris, parfait binôme tendre et viril, elle incarne une femme-enfant aux irrésistibles yeux de biche. Autour d'elle, Bérénice Bejo, Nicolas Bedos, Miou-Miou, Eddy Mitchell et Mélanie Bernier.
Visuellement étourdissant et plus ambitieux que la plupart des films français
En l'espace de quelques minutes, Populaire balaie tous les doutes sur ses ambitions avec un générique rétro, hérité du cinéma hollywoodien des années 60. Mais ce ne sont que les prémices d'un film visuellement ébouriffant qui sort tous les artifices possibles pour conquérir le spectateur, emporté dans un tourbillon de couleurs et de notes de musique.
Conscient que le terrain des sixties est occupé par le petit écran depuis quelque temps, Régis Coinsard expliquait : "Les gens ne vont sans doute pas pouvoir s'empêcher de comparer Populaire à Mad Men, série avec laquelle le film partage, je l'espère, une réelle exigence dans l'écriture et la direction artistique." Néanmoins, la comparaison avec la série de Matthew Weiner est purement théorique, Populaire préférant une approche pop et colorée, très loin des ambiances fumeuses de Don Draper - si ce n'est dans une courte scène de bar.
Plus simplement, cette aventure bigger than life devrait réconcilier ceux qui attaquent le manque d'ambition du cinéma français avec la production contemporaine qui foisonne d'idées - ce n'est pas un hasard si Alain Attal est le producteur de Maïwenn. Pensé comme une comédie à succès capable de ravir les adultes et les enfants, les naïfs et les rêveurs, les hommes et les femmes, Populaire a semble-t-il écrit sa propre histoire en choisissant un titre aussi porteur.
Encensé par le public parisien de l'avant-première, le film de Régis Coinsard a remporté sa première bataille haut la main sous une pluie d'applaudissements. Mais la guerre commence à peine pour cette comédie pas ordinaire, qui a maintenant trois mois pour conquérir la France entière, pas forcément adepte des films hors norme.
"Populaire", en salles le 28 novembre.
Geoffrey Crété