Samedi 16 février 2014, Renaud Lavillenie entrait dans l'histoire du saut à la perche en effaçant la marque de Sergeï Bubka vieille de vingt et un ans (6,15 mètres) et en inscrivant son nom avec un saut à 6,16 mètres. Un moment immortalisé par le réalisateur Cédric Klapisch, fasciné par l'athlète, et qui a donné le documentaire Renaud Lavillenie, l'élévation, que diffusera prochainement Canal+.
"Je me suis mis à pleurer"
La rencontre s'est faite, hasard ou coïncidence, quelques jours avant le saut déjà historique de Renaud Lavillenie à Bydgoszcz, où il avait passé 6,08 mètres, devenant par la même occasion le second meilleur performeur de tous les temps. C'est le mercredi 29 janvier dernier, place Denfert-Rochereau à Paris, que les deux hommes se rencontrent pour la première fois. Une entrevue organisée par le producteur Victor Robert d'où naîtra l'envie et l'idée de faire un documentaire pour suivre Renaud Lavillenie dans la quête du record du monde. La suite, l'auteur de L'Auberge espagnole qui a conclu sa trilogie avec Casse-tête chinois en décembre dernier, la raconte dans les colonnes de L'Équipe de ce 17 février.
"C'est un drôle de concours de circonstances, un truc d'intuition, une conjonction de choses : je le sentais prêt, il se disait prêt. Je me suis dit que je ne pouvais pas rater ça. Je l'ai d'ailleurs filmé comme s'il allait passer. J'ai été surpris, mais c'était assez cathartique. J'ai tellement rêvé, moi, de vivre ces moments-là comme athlète que le fait de le filmer, c'était super fort. Je me suis mis à pleurer en le filmant. (...) C'est fou ce que ça m'a provoqué comme émotions", raconte Cédric Klapisch, lui-même ancien perchiste de 12 à 18 ans qui a "rêvé d'aller aux JO, d'être champion".
Il évoque ainsi l'ambiance qui régnait au Sport Palace Druzhba du côté de Donetsk, des spectateurs "fiers d'être là, comme s'ils avaient tous battu le record, qu'ils étaient entrés dans l'histoire en vivant le même truc fou". Un truc de fou et un scénario parfait pour une mise en scène "incroyable". Et pour cause. Alors que tous les sauteurs s'affrontent un par un, Renaud Lavillenie fait son entrée en fin de concours, quand la plupart de ses adversaires sont déjà out. "Son talent, c'est de s'abstraire, note Cédric Klapisch. Dans sa tête, il se bat avec lui-même, ou peut-être avec Bubka, mais les autres n'existent pas. (...) On ne se bat que contre soi-même, les autres sont des figurants qui nous aident juste à aller plus loin."
Une nouvelle dimension
Et ce record historique, salué comme il se doit lors de son retour en France, marque une nouvelle étape pour le jeune Charentais de 27 ans. En premier lieu, Renaud Lavillenie fait un bond dans le monde médiatique international, alors que Usain Bolt a tendance à cannibaliser l'attention que l'on porte à l'athlétisme. Même au sein du clan du Jamaïquain, on se réjouit de la performance du Français.
Financièrement également. Aujourd'hui, Renaud Lavillenie est peut-être la seule autre super star de l'athlé avec Usain Bolt. Le seul capable de faire tomber les records. Ses primes vont donc connaître une belle augmentation. "De l'ordre de 15 à 25%", estime Wilfried Meert, le patron du plus grand meeting au monde, celui de Bruxelles, le Mémorial Van Damme. L'Équipe avance des chiffres allant de 22 000 euros pour l'étranger à 37 000 euros pour la France, avant son record du monde. Des montants qui devraient donc grimper en flèche avec "un produit d'appel" qui appartient désormais à l'histoire de l'athlétisme...
Côté sponsors, on ne change pas une équipe qui gagne. La nouvelle star reste chez Nike et possède des contrats avec Michelin et le groupe Lactalis, révèle L'Équipe. Et selon son avocate, Me Delphine Verheyden, les demandes devraient se multiplier mais pas forcément les contrats. "L'objectif ne va pas être d'en faire cinquante", explique-t-elle. Mieux vaut ne pas se disperser et tenter d'améliorer encore une marque déjà historique...
À cause de sa blessure - il a tenté 6,21 m et s'est blessé au pied gauche avec les pointes de sa chaussure droite -, Renaud Lavillenie a fait une déclaration aux journalistes lors de sa conférence de presse : "Je déclare forfait pour les Mondiaux en salle en mars, car j'ai une grosse plaie mais rien de grave", évoquant en fait 16 points de suture mais aucune lésion osseuse ni ligamentaire. Il ratera également les Championnats de France à Bordeaux le week-end prochain.
"Renaud Lavillenie, l'élévation", à voir sur Canal+ le samedi 22 février à 16h30