Le 9 novembre 1969, la vie de Rika Zaraï bascule. La chanteuse est victime d'un tragique accident de voiture alors qu'elle était en route pour rejoindre Paris avec son mari Jean-Pierre et son amie Jocelyne. "Le visage de Jean-Pierre heurte violemment le volant, Jocelyne est projetée contre le pare-brise. Pour ma part, six jours de coma" raconte-t-elle à Paris Match en 2008. Le bilan est lourd : "Deux vertèbres fêlées, une vertèbre lombaire pulvérisée, trois traumatismes crâniens, les tendons de la main gauche arrachés et le poignet cassé. Je me découvre prisonnière d'une gangue de plâtre qui immobilise mon corps." Pessimistes, les médecins pensent qu'elle ne remarchera jamais. Totalement bouleversée, Rika Zaraï pense alors au pire et songe à se suicider.
Pour mettre fin à les jours sans que personne ne puisse l'en dissuader, l'artiste collectionne les calmants distribués par les infirmières. Elle expliquait : "Les infirmières me donnent chaque jour des pilules, que je ne n'avale pas et que je stocke dans un mouchoir sous mon matelas. J'en ai amassé quatorze." Un soir, après avoir souhaité bonne nuit à son mari hospitalisé dans la même chambre qu'elle, Rika est décidée à se donner la mort pour abréger ses souffrances. Pourtant, cette nuit qui aurait dû lui être fatale va devenir "la plus constructive" de sa vie. "C'est décidé : je vais tirer ma révérence. Jean-Pierre s'endort. Je repense à tous les miens, à mes parents. Ce sera un coup mortel pour eux. Mais impossible d'agir autrement. 2 heures. Je tiens à la main mon cocktail de pilules, le verre est rempli d'eau. Puis quelque chose bascule : plus je me fais de reproches, plus je réalise que je n'ai pas assez vécu." racontait l'artiste.
Jusqu'à l'aube, cette voix insiste, me harcèle
Une voix intérieure pousse alors la chanteuse à ne pas abandonner et à se relever plus forte que jamais de cette épreuve. "4 heures du matin, la colère me procure de l'énergie. Au milieu du vacarme dans ma tête, j'entends une voix. Elle m'enveloppe, vibre d'espoir. Elle me dit que je n'ai pas tout essayé, qu'il existe quelque part un moyen de surmonter ce destin. Jusqu'à l'aube, cette voix insiste, me harcèle. Quelque chose vient de changer ; à partir de cet instant, chaque parcelle de moi refuse le handicap. Ma colère se transforme en rage de vivre."
Plus question de mourir pour Rika qui décide alors de continuer à vivre, en se jurant de ne jamais perdre espoir. Cette petite voix, l'artiste a longtemps pensé qu'il s'agissait de sa maman, veillant sur elle. "Je me demande si cette voix mystérieuse n'est pas celle de maman, si énergique et résolue, synonyme pour moi de ténacité et de courage." confiait-elle avec amour. Finalement, Rika comprend. "Le suicide ne dénoue rien. Se donner la mort, c'est renier la nature et s'opposer à elle." Plus déterminée que jamais, elle décide de se battre et oublie définitivement l'idée de se suicider.
Je ne veux plus m'arrêter
Finalement, l'interprète des titres Casatschok, Alors je chante et Hava Naguila retrouve miraculeusement ses facultés après plusieurs mois d'hôpital. "Je pose un pied par terre, puis l'autre. Comme un enfant qui fait ses premiers pas, je ne veux plus m'arrêter." Une magnifique course qui s'est terminée cinquante ans plus tard dans la nuit du 22 au 23 décembre 2020 à l'âge de 82 ans.