Un peu moins de quatre ans après la découverte macabre, le 9 décembre 2004, des corps de Géraldine Giraud, fille de Roland Giraud et Maaike Jansen, et son amie Katia Lherbier au fond d'un puits à Villeneuve-sur-Yonne, le juge d'instruction du tribunal de Sens clôturait son enquête.
Rappel des faits : le 23 novembre 2004, un garde-forestier de 45 ans, Jean-Pierre Treiber, est arrêté en Seine-et-Marne en possession des cartes de crédit de Géraldine (36 ans) et Katia (32 ans), portées disparues depuis le début du mois. Le 25, il est écroué. Le 8 décembre, une perquisition à son domicile permet d'y découvrir un trousseau de clés de la propriété des Giraud. Le lendemain, on retrouve au fond du puits de sa propriété les corps sans vie des deux jeunes femmes, tuées dans des conditions atroces...
Le 1er mars 2005, c'est la tante de Géraldine Giraud et belle-soeur de Roland Giraud, Marie-Christine Van Kempen , qui est mise en garde à vue. On a retrouvé dans sa cave des traces d'un dérivé de chloroforme, le gaz employé pour tuer les deux filles. Elle est relâchée 31 heures plus tard. Le 25 novembre de la même année, elle est mise en examen et écrouée pour "complicité d'assassinats". Patricia Darbeau, une petite amie de Treiber, est écrouée pour recel d'escroquerie. Elles prétendent ne pas se connaître, alors qu'une patronne de brasserie de Fontainebleau dit les avoir vu attablées avec Treiber en octobre 2004. Elles seront libérées le 27 février 2006, après une confrontation avec la patronne de la brasserie qui n'a pu être aussi affirmative devant les deux femmes et la juge, qu'elle l'avait été devant les policiers. L'avocate du couple Giraud confiera à la presse que les avocats de la défense ont beaucoup déstabilisé le témoin...
Début juillet 2008, alors que l'enquête piétine et se dirige vers son terme, un nouvel élément la relance : sur demande du juge d'instruction, une nouvelle expertise révèle la présence d'un ADN appartenant probablement à Treiber sur les vêtements de Géraldine Giraud. A la fois, il a forcément été un moment ou un autre en contact avec Géraldine (ce qu'il n'a jamais nié) puisqu'il avait sa carte de crédit, et que les corps des jeunes femmes, retrouvés au fond d'un trou dans son jardin, n'y sont pas arrivés par hasard !
En septembre 2008, le parquet fait des réquisitions - qui sont les mêmes que la juge - en faveur d'un non-lieu pour la tante de Géraldine, Marie-Christine Van Kempen, et de Patricia Darbeau, ex-amie de Jean-Pierre Treiber. Il n'y a donc plus que lui qui est renvoyé devant la cour d'assises pour "enlèvements et assassinats". L'avocat de la famille Giraud, Me Sabine Cordesse, annonce que la famille, en colère, fait immédiatement appel à cette ordonnance de non-lieu. Elle exprime, lors d'une conférence de presse, l'indignation de ses clients Roland Giraud et Maaike Jansen : "Pour la famille, voir le seul Treiber dans le box des accusés est insuffisant."
La cour d'appel de Paris confirme le non-lieu en février 2009. L'hypothèse - longtemps privilégiée - selon laquelle une "séquestration-punition" commanditée par Marie-Christine Van Kempen par dépit amoureux aurait dégénéré, est abandonnée faute de preuves et de charges suffisantes. La date du procès de Jean-Pierre Treiber est à cette époque fixée pour début 2010.
Le 8 septembre 2009, un rebondissement à peine croyable intervient. Jean-Pierre Treiber, incarcéré à la prison d'Auxerre, se dissimule vers 10h30 dans un carton qui fait partie du chargement d'un camion à destination d'une commune environnante, dans l'Yonne. Ni vu, ni connu, il s'évade au nez et à la barbe des surveillants. Le personnel pénitentiaire s'en aperçoit seulement le soir-même, à 19 h !
Après une cavale très médiatisée, durant laquelle il écrit au magazine Marianne à plusieurs reprises, narguant la police et la justice à sa recherche, il est arrêté le 20 novembre 2009 dans un appartement de Melun, en Seine et Marne. Roland Giraud se dit "soulagé".
Début février 2010, le célèbre comédien brise le silence dans les colonnes du Nouvel Observateur, et lève le voile, avec son épouse, sur le cauchemar dans lequel ils vivent depuis le meurtre de leur fille. Alors qu'ils déclarent attendre avec impatience le procès, prévu à partir du 19 avril 2010 devant la cour d'assises de l'Yonne - entre temps le complément d'information demandé sur la complicité possible de Marie Christine Van Kempen qui avait ressurgie pendant la cavale de Treiber, a conclu à nouveau à son non-implication - l'accusé se suicide le 20 février 2010, dans sa cellule du quartier d'isolement où il était détenu seul, à Fleury-Mérogis.
Selon les dernières informations, l'homme de 46 ans, qui avait toujours clamé son innocence dans cette affaire, s'est pendu tôt ce matin. "Le corps a été découvert par des surveillants pénitentiaires à 7 heures, à l'occasion d'une ronde", a déclaré à RTL Guillaume Didier, porte-parole de la Chancellerie (à écoutez ici). Une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet d'Évry. La brigade de recherches d'Évry et le service de recherches de Paris sont en charge des investigations, et devront notamment déterminer la manière dont Treiber a mis fin à ses jours. Une enquête administrative est également en cours tandis que l'inspection des services pénitentiaires devait se rendre sur place samedi matin.
Roland Giraud, immédiatement mis au courant de la nouvelle, s'est dit "effondré et écoeuré". Comme vous pouvez l'écoutez ci-dessus, interrogé par Europe 1, il a ajouté être furieux et précisé : "On a tout jusqu'au bout, et même le pire. Je pense à ma fille et à son amie, que je ne connaissais pas. Je pense à elles et puis, je trouve que c'est beaucoup ce qui nous arrive..."
Jean-Pierre Treiber avait évoqué "l'évasion ou le suicide" en décembre 2009 lors d'un interrogatoire sur ses deux mois et demi de cavale, a rappelé samedi son avocat, Me Eric Dupond-Moretti, après le suicide de son client en prison."Il avait dit au juge d'instruction: "c'est l'évasion ou le suicide", a-t-il indiqué à l'AFP, précisant que les conditions de détention de l'ex-garde forestier avaient été "nettement durcies" depuis sa réincarcération à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, où il était "à l'isolement total".
Me Dupond-Moretti s'est cependant dit "abasourdi" par la mort de son client, qu'il n'a "pas envie de commenter". "Je ne suis pas sa voix posthume, sa décision n'appartient qu'à lui. J'ignore ses motivations profondes et intimes mais je les respecte", a-t-il ajouté.
"On ne va pas faire ce procès dont il n'a pas voulu. Il est mort et je n'ai ni le courage, ni l'envie de plaider pour lui", a poursuivi l'avocat, qui a refusé d'évoquer ce procès avorté.
Voilà un dénouement plus que terrible pour les familles de Géraldine Giraud et Katia Lherbier, qui ne disposent même plus d'un seul élément pour connaître la vérité, aussi insoutenable soit-elle...
Il est quand même incroyable que Treiber ait pu se suicider sans que personne ne se soit aperçu de rien !! Connaissant le bonhomme, il serait étonnant qu'il ait laissé une lettre explicative ?