Visiblement, Romain Grosjean n'a rien retenu de la lourde sanction qui lui avait été infligée après le Grand Prix de Spa-Francorchamps en Belgique. Le tricolore, pilote de l'écurie Lotus-Renault, avait provoqué un impressionnant accident dès le départ, écopant pour sa responsabilité d'une course de suspension.
Mais le jeune marié a remis ça ce dimanche 7 octobre à Suzuka au Grand Prix de Japon, percutant l'Australien Mark Webber et entraînant l'abandon de ce dernier. Un septième accrochage depuis le début de la saison et une réputation de jeune pilote fougueux voire dangereux qui commence à en énerver certains, Mark Webber le premier. "Je n'ai évidemment pas vu ce qui s'est passé au moment du départ, mais les gars de l'équipe m'ont confirmé que c'était encore un coup du taré du premier tour, Grosjean. On essaie tous de se battre pour obtenir de bons résultats sur chaque week-end de Grand Prix, et lui ne pense qu'à rentrer le plus vite dans le troisième virage de toutes les courses. Il mériterait sans doute de repartir en vacances", confiait Mark Webber dans une allusion à peine voilée à sa suspension. Avant d'ajouter : "Romain doit faire sa propre analyse, car c'est complètement de sa faute et cela devient assez embarrassant à ce niveau."
Du côté de Romain Grosjean, on tentait de se justifier comme on pouvait, mettant en avant un excès de prudence : "J'avais Sergio Perez sur ma gauche et j'ai pris un maximum de sécurité pour ne pas le toucher. J'étais concentré sur lui et je n'ai pas vu la différence de vitesse qu'il y avait avec Webber devant moi. Je voulais absolument éviter l'accident et au final, je me suis fait piéger, ce qui, du coup, fait encore plus mal."
Si son manager Éric Boullier, le patron de l'écurie Lotus, avait dans un premier temps une nouvelle fois défendu son poulain, évoquant "la pression" subie par Romain Grosjean, il avait tout de même pointé du doigt l'erreur du compagnon de Marion Jollès : "Maintenant, il n'a pas d'excuses à ce qui s'est produit sur ce Grand Prix et c'est une erreur qu'il ne doit pas commettre."
Mais dans la coulisse, la grogne des pilotes se fait de plus en plus sourde. Déjà, le boss de l'écurie Red Bull, Christian Horner, s'en était pris à son tour à Romain Grosjean : "Une manoeuvre insensée de Grosjean au virage 2 a mis fin à sa course. Le plus grave, c'est que ce n'est pas la première fois. Faire une erreur, ce n'est pas dramatique, mais le plus important, c'est d'apprendre quelque chose et de ne pas les répéter. Il fait également perdre des points à son équipe alors qu'elle se bat pour le championnat des constructeurs. Cela m'étonnerait que ce genre de manoeuvre leur fasse plaisir. Sept incidents cette saison, c'est plus qu'assez."
Et si le pilote de F1 possède "le talent et la voiture pour se qualifier parmi les quatre meilleurs sur la piste" selon Éric Boullier, ce dernier rappelle qu'il n'est "qu'un débutant", un "rookie qui commet des erreurs de jugement qui peuvent coûter cher, même s'il n'a jamais provoqué d'incidents délirants". Conscient de la faiblesse de son jeune pilote, qui ne compte que 21 Grand Prix à son CV, quand certains sont au volant d'une Formule 1 depuis dix ans, il refuse qu'il soit livré en pâture :"Il faut arrêter de le lyncher, car d'autres, comme Schumacher à ses débuts, ont également provoqué de nombreux accidents."
Mais comme il le confie, Romain Grosjean est sur la sellette. "Tout le monde s'agace de cette situation, poursuit Eric Boulier dans les colonnes de L'Équipe. Nos sponsors, les mécanos, les ingénieurs et moi, le premier." Et les pilotes également. Alors que Mark Webber et certains pilotes avaient pris la défense du jeune Français en Belgique, ce n'est désormais plus le cas. Il se murmure qu'ils pourraient demander sa suspension jusqu'à la fin de saison en cas de récidive. Le prochain briefing des pilotes lors du Grand Prix de Corée s'annonce chaud. Et une fois de plus, Romain Grosjean devra faire preuve d'un certain sang-froid pour ne pas sombrer mentalement. Et enfin réussir un départ convaincant.