Il y a 8 mois, la vie de l'écrivain-voyageur Sylvain Tesson, fils de Philippe Tesson, a basculé lorsqu'il a chuté de 10 mètres alors qu'il escaladait la façade de la maison d'un ami à Chamonix. Un drame qui s'est déroulé après une soirée qui célébrait la remise du manuscrit de son dernier livre, Berezina (Editions Guérin). Après de longs jours dans le coma, le coureur des steppes et des taïgas s'en est miraculeusement tiré. Vertèbres et crâne fracturés, après quelques mois de rééducation, Sylvain Tesson témoignait, le visage très marqué, de son accident sur les plateaux de télévision. Après des semaines de silence, repos oblige, ce fou de stégophilie a donné de ses nouvelles au magazine Causette.
3 000 kilomètres à cheval en Asie centrale, 5 000 kilomètres à pieds à travers l'Himalaya, 6 000 kilomètres (à pieds, cheval et vélo) de la Sibérie à l'Inde n'ont jamais eu raison de SylvainTesson. Mais en août dernier, il n'aura fallu que 10 mètres pour mettre en danger sa vie. Un accident qui a diminué son énergie - si chère à son âme - et sa géographie - le comble pour un géographe. Mais l'écrivain n'a rien perdu de son esprit aventurier. Lui qui n'a jamais eu peur de la chute a déjà repris l'escalade, "propre". "Sur un mur et avec des cordes", précise-t-il. Terminée l'époque où il risquait sa vie en ne comptant que sur des bonnes accroches et (peut-être) sa bonne étoile. "Je ne monterai plus jamais en solo sur les gouttières. Je veux refaire du bel alpinisme, c'est fini les grimpettes adolescentes gonzo", promet-il.
A 43 ans, Sylvain Tesson serait-il devenu raisonnable ? Seul lui connaît la réponse mais une chose est certaine, il a l'ambition d'être "moins con". "Je la cherchais la rencontre avec le sol. J'avais l'impression que si une journée n'était pas trépidante, risquée et alcoolisée, c'est une journée qui n'était pas vécue. J'ai enterré James Dean et la fureur de vivre", confie-t-il.
La vodka au placard, Sylvain Tesson voit son accident comme une sanction qui l'oblige à une métamorphose. "Je vais devoir inventer de nouvelles manières d'intensifier la vie", explique-t-il. Et cela passera peut-être par des engagement humanitaires, comme il y a une quinzaines de jours lorsqu'il s'est rendu dans un camp de réfugiés kurdes à Erbil, au Kurdistan. En tant que président de l'ONG La Guilde européenne du raid, il inaugurait une radio, Radio Al-Salam (radio de la paix).
Si la nouvelle vie de Sylvain Tesson reprend du rythme, celle-ci reste marquée par une autre blessure physique et psychologique : la conservation d'une certaine paralysie faciale. "J'ai une très sale gueule et cela me coûte d'être devant un objectif (...) J'ai une gueule cubique, je peux aller draguer au musée Picasso !", confie-t-il avec son humour noir légendaire. Et son avenir ? Il sera certainement composé de livres, mais pas d'enfants. Si sa vie a bien failli lui échapper, Sylvain Tesson ne l'intensifiera certainement pas en élargissant son clan. Revendiquant depuis toujours vouloir passer sur cette planète sans y laisser de traces, le voyageur répond sans détour : "Je suis pédophobe ! Nous sommes déjà 7 milliards sur Terre, il est urgent d'arrêter de faire des enfants ! (...) L'amour filial est un amour égoïste dans une logique de reproduction photocopieuse de soi-même." Une réponse cinglante à la Sylvain Tesson qui prouve que le très justement surnommé "prince des chats" n'a rien perdu de son esprit !