Apothéose atmosphérique, To build a home trouve enfin un objet visuel à sa hauteur. Morceau inspirant et élégiaque signé du magnificent combo britannique nu-jazz/trip hop The Cinematic Orchestra, paru en 2007 sur l'album Ma Fleur, il sert de toile de fond à une fresque scintillante qui offre au regard une vision de Los Angeles sous un nouveau jour. De nuit, la bouillonnante Cité des Anges revêt son manteau de lumière, une poussière d'étoiles mise en scène par le photographe stratosphérique Colin Rich dans le tableau animé LA Light, que la chanson précieusement interprétée par le Canadien Patrick Watson, très respectable disciple d'Andrew Bird ou Rufus Wainwright, porte avec délicatesse.
La voluptueuse pureté de To build a home avait déjà été récupérée à maintes reprises pour transcender des phénomènes de l'écran. Parfois, avec bonheur, notamment en intégrant le générique du film The Tree, merveille émotionnelle de Julie Bertucelli portée par Charlotte Gainsbourg et la petite Morgana Davies, auquel il est un peu ce que le morceau Watching Lara de Yann Tiersen est à Goodbye Lenin, souvent, avec moins de magie - on pense à une riche saga publicitaire qui compte Chivas Regal, Schweppes, ITV1, Sky Atlantic ou encore, en France, une campagne Orange. Sans compter, évidemment, les séries américaines (Grey's Anatomy, Les Frères Scott, Esprits Criminels, Ugly Betty), passées pro dans le dénichage de pépites à soundtracks.
La chanson nimbe désormais LA Light, oeuvre d'une puissance visuelle éblouissante, doublée d'une pertinence sémantique (la thématique de l'homme bâtisseur et du home) vertigineuse. Son auteur, le photographe et cinéaste Colin Rich, formé à la prestigieuse Tisch School of the Arts de New York et membre de l'International Cinematographers Guild, s'est par le passé notamment signalé avec ses réalisations défiant la pesanteur, acquise avec des procédés telles que des ballons équipés de caméras, pour le compte de Pacific Star. Des images aux confins de l'espace à couper le souffle, à découvrir ou redécouvrir sur le site Pacific Star Flight, sur la chaîne Vimeo de Colin Rich. Sur deer-dog.com encore, on peut parcourir l'ensemble de son oeuvre photographique hors norme.
Dédiée à sa grand-mère Mary Johnson, décédée après une longue bataille contre le cancer et dont il se souvient comme quelqu'un qui passa son existence à améliorer celle des autres, la vidéo LA Light lui a demandé six mois de shooting, bravant les divers services de sécurité et faisant oeuvre de patience, pour capturer le rayonnement nocturne de Los Angeles et offrir aux regards une telle symphonie visuelle. Cosmique.
Si c'est New York que le groupe U2 avait nommée The City of Blinding Lights (chanson et vision essentiellement inspirées par le premier concert post-11 septembre de U2 à New York lors du Elevation Tour), et Paris qu'on révère en tant que berceau des Lumières, Los Angeles est devenue pour six minutes d'éternité un astre sur la carte du monde.
Guillaume Joffroy