"Les faits reprochés sont d'une extrême gravité" : si les circonstances exactes de l'incident survenu dans la nuit de samedi 22 à dimanche 23 octobre 2011 sur le parking de la discothèque des 4 As ne sont pas encore établies et se heurtent à des déclarations comportant des contradictions des quatre prévenus, le procureur de la République Raymond Morey ne laisse pas planer de doute sur la situation du footballeur Tony Vairelles (38 ans) et ses frères Giovan (20 ans), Jimmy (30 ans) et Fabrice (44 ans). Tous les quatre encourent la réclusion criminelle à perpétuité après leur mise en examen pour tentative d'assassinat, suite à une rixe puis une fusillade avec les videurs du 4 As, boîte de nuit située dans la ZAC de la Porte verte, dans la banlieue de Nancy, à Essey-lès-Nancy. "Je vais à la prison de Metz-Queuleu", discerne L'Est Républicain dans ce que Tony Vairelles chuchote à sa compagne en larmes, à l'annonce des quatre délibérés et de la décision de la juge des libertés et de la détention Fabienne Nicolas, laquelle a décidé mardi soir le placement en détention provisoire de toute la fratrie, qui se trouvait au TGI de Nancy depuis le midi et en est ressortie après 21 heures : Fabrice est conduit au centre pénitentiaire de Nancy, quant à Giovan et Jimmy, inculpés de violences en réunion avec armes en plus du chef d'accusation de tentative d'assassinat, ils sont envoyés respectivement à Épinal et Bar-le-Duc.
Une fête d'anniversaire qui dégénère
Rappel des faits. Dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 octobre, Giovan fête son 20e anniversaire avec son frère Jimmy. Si la présence de Tony Vairelles était sujette à caution, il apparaît désormais que l'ex-international tricolore (8 capes) n'était pas de la fête - ce que corroborent des témoignages de proches évoquant un garçon casanier, un compagnon et un papa aimant, qui ne boit pas...
L'alcool aidant, l'ambiance chauffe et le comportement des deux frangins à l'intérieur de la boîte dérape, obligeant les videurs à... vider. Giovan et Jimmy se font expulser de la discothèque, une éviction qui leur reste en travers de la gorge. Et les voilà qui reviennent "armés d'une batte de base-ball et d'une chaîne à chien", selon les détails communiqués par le procureur, avec l'intention de se venger. Repérés sur la vidéosurveillance, ils sont stoppés sur le parking par les vigiles. Entraînés et munis de gaz lacrymogènes, les videurs, trois frères allemands recrutés outre-Rhin, à Sarrebruck, repoussent l'assaut et rossent leurs agresseurs, puisque L'Est Républicain n'a pas manqué de remarquer "l'oeil au beurre noir" de Jimmy et la pommette marquée et la minerve de Giovan, lors de leur comparution devant le juge d'instruction Dominique Diébold. Les videurs saisissent alors leurs armes et leurs clés de voiture.
Les grands frères s'en mêlent, les coups partent, les versions divergent
Vexés, les deux frères sont loin de déposer les armes et appellent même les renforts : les grands frères Fabrice et Tony rappliquent. S'ensuite une fusillade : au moins cinq (voire sept, selon les versions) coups de feu sont tirés, les vigiles sont tous trois touchés - l'un a la cuisse transspercée, le second est atteint à la main et se fait opérer pour extraire la balle, le troisième reçoit un projectile dans le flanc, qui s'arrête à deux centimètres de sa colonne vertébrale et interdit pour le moment toute intervention chirurgicale. Leurs jours ne sont cependant pas en danger.Après intervention des forces de police, deux versions s'affrontent : les vigiles font état de l'usage de "trois armes de poing" quand les frères Vairelles nient avoir employé des armes à feu, déclarant s'être trouvé là et avoir "entendu des coups de feu sans savoir d'où ça venait", selon le compte-rendu du procureur.
Dans les faits, les investigations des enquêteurs sur place ont permis de récupérer deux plombs, un au sol et un autre logé dans le bardage en tôle du 4 As, détaille L'Est Républicain, qui note en revanche que les perquisitions n'ont pas été fructueuses : mis sur la piste des frères Vairelles par le jeu de clés de l'un d'entre eux, conservé par les videurs de la discothèque, les policiers n'ont pas trouvé d'arme. Ils ont en revanche quasiment exclu l'implication, un temps envisagée d'après le récit des vigiles, du père des quatre frères, Guy Vairelles, conducteur d'une des deux voitures du commando punitif, dans la commission des faits.
Des charges "très graves", une famille "anéantie", un entourage incrédule
Toute la famille était présente et solidaire à l'audience et est restée "digne" (Est Républicain) à l'annonce des chefs d'inculpation retenus et de la décision du placement en détention des quatre frères. "Ils sont anéantis, dépités. Ce ne sont pas des habitués de ce genre de procédure et les charges retenues contre eux sont très graves", a commenté leur avocate, Me Virginie Barbosa.
"Pas des habitués", c'est également ce qu'il ressort des témoignages consternés et pleins de stupeur de ceux qui connaissant Tony Vairelles. Et notamment du côté du Saint-Max-Essey FC, club de Division d'honneur qu'entraîne son cousin Ludovic et où la légende du RC Lens et de l'AS Nancy-Lorraine préparait son examen du brevet d'Etat d'entraîneur, sous la tutelle de son cousin. Car, au bord de la retraite sportive suite à la liquidation en avril 2011 du FC Gueugnon qu'il avait racheté en 2009 avec sa famille (son père Guy en était devenu président d'honneur) et sous les couleurs duquel il avait fait trembler les filets du championnat de National, Tony Vairelles pense déjà à la suite même s'il rêve d'une dernière aventure (outre un essai en Belgique, il aurait eu une touche aux Etats-Unis). "Il voulait diriger [mardi soir] l'entraînement sous mes yeux pour que je lui donne quelques conseils", explique Ludovic à L'Equipe, tandis que son cousin n'est finalement pas venu au vu des événements. Et de préciser : "Sur ce que je sais, il était en train de dormir chez lui avec sa femme et son enfant quand ses petits frères lui ont téléphoné pour qu'il vienne les chercher à la discothèque."
Le président du Saint-Max-Essey FC, Dominique Robert, qui a vu Tony dimanche 23 pour un match de l'équipe face à Thionville, s'est pour sa part ému au micro d'Europe 1 : "Lui, avec une arme à la main, je n'y crois pas du tout (...) La seule arme qu'il ait eue, ça a été ses pieds sur un terrain de football (...) Il n'a jamais eu de déboires nocturnes, il ne boit pas et ne fume pas, je reste perplexe."
Il n'est pas le seul.