Mercredi 10 octobre, le verdict du procès en appel tombait : une seule des trois jeunes Pussy Riot était libérée, condamnée à du sursis, quand la condamnation de ses compagnes à deux ans de camp était confirmée. Ce que le tribunal reproche aux Pussy Riot, c'est d'avoir chanté une "prière punk" anti-Poutine dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. Coupées du monde dans leur geôle, les trois jeune femmes ont trouvé leur voix en la personne de l'artiste et militant russo-canadien Pyotr Verzilov. Il est le mari de Nadejda Tolokonnikova, l'une des condamnées, et le père de sa fille de 4 ans, Gera. Mais depuis sa prison, Nadejda signe une lettre le désavouant... Son propre compagnon et artisan de la campagne de soutien des Pussy Riot. Incompréhension totale, le groupe a-t-il été manipulé ?
"Je déclare officiellement que Pyotr Verzilov n'est pas un représentant du groupe Pussy Riot", écrit Nadejda Tolokonnikova dans cette lettre manuscrite également signée par Maria Alekhina, condamnée dans la même affaire. Pyotr Verzilov "a rencontré les journalistes et a fait des déclarations au nom des Pussy Riot sans en avoir le droit (...) Les interviews passées et à venir, et les déclarations de Pyotr Verzilov sur les Pussy Riot sont au minimum illégitimes, et au pire des provocations et du mensonge", ajoute Nadejda Tolokonnikova dans cette lettre signée en date du 11 octobre et publiée ce vendredi sur le site de la radio Echo de Moscou. Pyotr a même reçu à New York, des mains de Yoko Ono, la bourse pour la paix LenonOno au nom du groupe.
Interrogé par l'AFP, l'intéressé ne comprend pas : "Nous cherchons à découvrir comment [la lettre] est apparue." Ekaterina Samoutsevitch, la Pussy Riot libérée mercredi, dénonce un "jeu" des autorités russes pour scinder le groupe. "Je suis étonnée", a-t-elle déclaré dans une interview pour une web TV russe, "car lorsque nous nous sommes vues avec les filles dans le fourgon pénitentiaire, quand on nous emmenait au tribunal, nous n'avons pas parlé une seule fois de Pyotr Verzilov, ni d'un problème d'usurpation de l'activité du groupe".
L'un des avocats des deux jeunes femmes restées en prison confirme l'authenticité de cette lettre. Il évoque cependant la visite de trois autres avocats recrutés par Pyotr Verzilov : "Il est possible que la lettre soit la conséquence de cette rencontre." Mystère.
Les Pussy Riot ont-elles été manipulées ? C'est la thèse d'un défenseur des droits de l'homme, Alexandre Podrabinej. Interrogé par l'AFP, il estime que les autorités russes "misent sur la jalousie, la rivalité, le soupçon d'entente avec le pouvoir, les vexations mutuelles et la défiance. La tactique n'est pas nouvelle et elle a été testée longuement. Malheureusement, les nouvelles générations n'en ont pas suffisamment conscience", conclut cet ancien dissident soviétique.
En ne libérant qu'une seule des trois jeunes femmes, qui se défend depuis de s'être désolidarisée du groupe, le tribunal n'a-t-il pas trouvé le moyen de briser les Pussy Riot ?