Grâce au travail conjoint de nos confères de L'Obs et de L'Équipe, une parole nouvelle se libère : celles de patineuses artistiques violées par leurs entraîneurs.
La fin de l'omerta commence par la prise de parole de Sarah Abitbol. Cette décuple championne de France de patinage artistique raconte les viols dont elle a été victime entre 1990 et 1992 par son entraîneur Gilles Beyer, dans son livre Un si long silence. Elle avait alors 15 ans. "J'avais tellement honte", raconte-t-elle à L'Obs en précisant qu'elle ne raconte pas son histoire "pour se venger, mais pour aider la parole à se libérer".
De son côté, L'Équipe donne la parole à trois autres femmes. Béatrice Dumur a confié ses "viols" commis par son entraîneur Michel Lotz, entre 1985 et 1989. Pour des raisons pratiques, la jeune femme loge chez lui, dans son appartement à l'intérieur de la patinoire d'Asnières-sur-Seine. "Après l'entraînement, il prenait un bain. Et donc il m'appelait. La première fois, je n'ai pas voulu y aller, la deuxième fois, il demande un peu plus ardemment. Vous avez peur, vous faites", raconte-t-elle à L'Équipe. Aujourd'hui âgée de 48 ans, Béatrice Dumur a décidé de se placer du côté de la "victime et plus de la fautive". "Il se disait amoureux de moi. Mais comment peut-on aimer une jeune fille de 13 ans ?"
Michel Lotz entraînait aussi Anne Bruneteaux. Elle dormait chez lui deux jours par semaine, entre ses 13 et ses 15 ans. Elle confie au magazine sportif des "attouchements", parle de cet homme qui "s'invite dans la baignoire". Elle se souvient d'une histoire particulièrement marquante. Ivre, il l'enferme dans l'infirmerie et "essaye de [la] violer". Anne s'en sort in extremis, s'échappe par une porte de secours : "Je me suis retrouvée sur le parking de la patinoire, j'avais la jupe et le collant déchirés."
Retour sur Gilles Beyer, l'entraîneur de Sarah Abitbol. Fin des années 70, il s'occupe de Hélène Godard, elle a 13 ans et lui huit de plus qu'elle. Elle dénonce deux rapports sexuels entre ses 13 et 14 ans. Entre 15 et 16 ans, elle tombe sous "l'emprise" sexuelle d'un autre homme : Jean-Roland Racle. Un grand patineur puisqu'il est septuple champion de France de patinage de couple. Il l'entraîne sans encombre pendant deux mois avant que tout ne bascule : "Un soir, il m'a embrassée, chez lui, sa femme n'était pas là. Après, ça a pris de l'ampleur... (...) Il m'amenait dans un petit vestiaire en contrebas et me touchait la poitrine, le sexe."
Pour toutes les victimes, les faits sont aujourd'hui prescrits. L'Équipe a contacté les trois hommes accusés : Michel Lotz a préféré garder le silence, Gilles Beyer s'est dit "pas concerné" et Jean-Roland Racle nie avoir eu des rapports sexuels avec Hélène Godard.