En exprimant son "dégoût" pour la Queer Palm au détour d'une interview dans laquelle il revenait sur ce prix qu'il avait glané pour le brillant Laurence Anyways lors du Festival de Cannes 2012, Xavier Dolan a suscité un tollé. Les réactions, souvent virulentes à l'encontre du jeune réalisateur québécois, se sont multipliées. "Xavier Dolan trahit non seulement son public de base, auquel il doit en partie son succès, mais également les festivals qui l'ont fait connaître à ses débuts", disait Didier Lestrade, ancien fondateur d'Act-Up Paris et du magazine Têtu, ajoutant que ces propos étaient comme comme "une insulte à la communauté gay".
Présent à l'avant-première parisienne de son film Mommy le 30 septembre, Xavier Dolan s'est longuement confié au micro de Purepeople.com, répondant frontalement aux critiques. À la question de savoir s'il a des regrets, le metteur en scène répond d'emblée "non". "Bien sûr que ça a été trop loin, tout ça est une vitrine optimale pour un prix qui essaye de faire parler de lui, qui essaie de mousser sa raison d'être", lâche-t-il, visiblement exaspéré.
"Ce débat est d'une grande débilité"
Mais le jeune acteur, scénariste et réalisateur ne s'arrête pas là : "Désolé, mais à mon sens, le débat autour des prix me dégoûte encore plus que ce que j'ai pu affirmer par le passé. Je ne comprends pas ce que les gens ne comprennent pas dans ce que j'ai dit. Je n'ai pas envie d'être un cinéaste étiqueté dans une catégorie, qui est la catégorie d'une autre catégorie. Moi, je veux que tout le monde voie Mommy, que tout le monde voie Laurence Anyways. Est-ce que ça fait de moi un homophobe ? Pour moi, ce débat est d'une grande débilité."
Il poursuit : "En même temps, je comprends qu'il puisse exister en France, vu la polarisation des politiques, entre les gens qui n'acceptent pas les homosexuels et ceux qui les acceptent, que ce genre de débat existe. C'est quand même particulier pour un pays d'Occident de voir que des gens prennent la rue pour manifester contre les droits les plus fondamentaux... C'est fou de voir ça en France, dans une société dite civilisée. C'est probablement aussi pour cela que des paroles comme les miennes ont pu exciter des gens peut-être plus de droite qui s'approprient le débat. Je ne voulais pas alimenter un débat au départ. Bien sûr que je ne suis pas homophobe, c'est complètement débile."
La Queer Palm ? Une "arnaque"
Visiblement en colère contre ces réactions disproportionnées, le cinéaste de 25 ans ne compte pas se laisser marcher sur les pieds et voir son oeuvre en pâtir. "Personne n'est allé voir Laurence Anyways sous prétexte qu'il a gagné la Queer Palm. Au contraire, je ne pense pas que quelqu'un se soit dit en voyant l'affiche, 'ah c'est le film qui a gagné la Queer Palm, c'est peut-être trop pour moi'. Je n'avais même pas mis le logo. Leur argument, c'est ça : aider les films à avoir une plus grande visibilité pour aider les distributeurs à choisir le film. Mais les connaissant, après cinq films, je peux vous dire qu'il n'y a pas un distributeur qui se dit 'ce film a gagné la Queer Palm, vite, achetons-le !'. Ce n'est pas un gage, c'est une arnaque. Où sont les statistiques, les preuves ? Je ne doute pas de la noblesse de leur cause, mais qu'on ne vienne pas me dire que je suis un homophobe, que je rejette l'existence même d'un festival LGBT ou la notion de queer, alors que ce que je dis est simple comme A+B. Il n'y a pas la place à l'interprétation. C'est une polémique imaginaire, ce débat dessert tout le monde plus qu'il ne sert."
Christopher Ramoné
Montage vidéo : Mélody Kandyoti
Mommy, en salles le 8 octobre.