Pendant que Kathryn Bigelow et son scénariste-compagnon Mark Boal se félicitent d'une pluie de nominations pour le film Zero Dark Thirty, la polémique autour du long-métrage enfle. Alors que le film vient de récolter 5 nominations aux Oscars 2013, la réalisatrice Kathryn Bigelow est sous le feu des critiques. En ligne de mire : le présumé message sur l'usage de la torture et des informations discordantes avec celles affichées par la CIA qui ferait de Zero Dark Thirty, un film "factuellement inexact".
Ce lundi 7 janvier, une partie de l'équipe se rend à Washington pour l'avant-première du film. En marge de l'événement, des manifestants anti-torture et des membres d'Amnesty International déploient des banderoles reprochant à la torture d'être "cruelle, inhumaine et dégradante". Déjà dans les salles américaines grâce à une sortie anticipée fin décembre en vue de présenter le film aux Oscars, Zero Dark Thirty a été épinglé par certains critiques et politiciens pour sa vision imagée de la torture, laquelle serait pour le film, le seule solution ayant amené les forces américaines à la maison où se cachait Oussama Ben Laden, où il sera tué le 2 mai 2011 des suites d'un raid mené par les SEALS.
En effet, dans sa première partie, Zero Dark Thirty se penche pendant de longues minutes sur la torture physique et psychologique d'un homme présumé proche d'Al-Quaïda, Ammar (joué par le Français Reda Kateb), dans le but de livrer le nom du messager de Ben Laden, Abu Ahmed al-Kuwaiti. Plusieurs vidéos d'interrogatoires feront concorder les sources sur l'identité de cet Abu Ahmed. Le film insinue ensuite que, derrière les informations obtenues par les agents américains grâce à la torture, les avancées seront lentes et minimales. Jusqu'à ce que la trace de cet Abu Ahmed annoncé tué en décembre 2001 (selon WikiLeaks), resurgisse dans la localité d'Abbottabad. Kathryn Bigelow raconte alors que grâce à des Pakistanais débauchés par la CIA, celle-ci remontera jusqu'à la maison où se cache Ben Laden. La torture n'est déjà plus autorisée, puisque fermement condamnée par Barack Obama.
Deux interprétations du film sont alors possibles. Soit Zero Dark Thirty fait l'apologie de la torture en affirmant via les informations récoltées par l'équipe du film, et que la traque a été ralentie par les nouvelles prérogatives de la Maison Blanche désormais démocrate. Soit Zero Dark Thirty soutient alors la cause démocrate et assure que ce sont les nouvelles méthodes imposées par l'administration Obama qui ont amené à retrouver la trace d'Oussama Ben Laden. La dernière thèse avait été avancée par Judicial Watch au printemps dernier, arrivant à repousser la sortie du film afin que celui-ci n'avantage pas le clan Obama pour la présidentielle de novembre.
Mais depuis la découverte du film par les critiques, puis par quelques hommes politiques, la polémique reprend et la première thèse est sous le feu des projecteurs. Danielle Feinstein (directrice du Senate Intelligence Commitee) et le sénateur John McCain en tête vont sommer le directeur par intérim de la CIA, Michael Morell, de fournir les documents qui ont servi à la construction du scénario de Zero Dark Thirty, écrit par Mark Boal. Les sénateurs soulignent dans une lettre datant du 31 décembre, "la similitude du scénario avec des déclarations erronées d'anciens responsables de la CIA". Il y a un an, le Pentagone martelait le contraire via le directeur de la CIA de l'époque, Leon Panetta qui affichait alors "son soutien entier" à la réalisatrice et son équipe.
Alors que la saison des récompenses bat son plein, la polémique ne semble pas déranger Kathryn Bigelow qui s'estime au contraire "fière d'avoir réalisé un film qui inspire autant de débat et de dialogue sur un sujet aussi important". Le film sera en course ce dimanche 13 janvier aux Golden Globes, où il figure dans quatre catégories dont meilleur film et meilleur scénario.
'Zero Dark Thirty' sortira en France le 23 janvier.
Christopher Ramoné