Le scandale de la 72e édition du Festival de Cannes, c'est à lui qu'on le doit : Abdellatif Kechiche a choqué les spectateurs avec son film Mektoub My Love : Intermezzo, deuxième chapitre de son diptyque dans lequel on peut voir notamment une scène de sexe dite "non simulée". Comme pour La Vie d'Adèle en 2013, les conditions de tournage et le jusqu'au-boutisme du cinéaste sont pointés du doigt, au point qu'on se demande si cela n'expliquerait pas le départ soudain de Cannes de l'actrice Ophélie Bau, avant la fin de la projection du long métrage au Festival. De son côté, l'artiste Ovidie, qui a travaillé dans le milieu pornographique, se demande si ce n'est pas "le délire médiatique et toutes ces attaques violentes autour du film" qu'elle a fui.
C'est un extrait d'un article de Midi-Libre sur Twitter qui a ravivé la polémique sur le dernier film d'Abdellatif Kechiche, qui rapporte les propos d'un témoin du tournage : "Il voulait absolument arriver à avoir une scène de sexe non simulée, ce à quoi les acteurs n'étaient pas disposés. Mais à force d'insister (...) il a réussi à obtenir ce qu'il voulait."
Des paroles qui rappellent les conditions de tournage de La Vie d'Adèle. Les deux actrices Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos n'avaient pas démenti les pressions du réalisateur pour obtenir la scène parfaite : d'abord au Daily Beast où elles ont avoué qu'elles ne voudraient plus travailler à nouveau avec lui, puis au Magazine Première à qui elles ont raconté en détail les conditions d'un tournage qui s'est avéré une expérience traumatisante, voire un calvaire. Elles avaient toutefois pris soin de préciser que le cinéaste restait une "belle personne" et qu'il s'était sacrifié pour les besoins du film, mais la controverse s'est répandu, le réalisateur attaquant ainsi plus précisément Léa Seydoux au micro du journaliste de Canal+ et i-Télé Ramzy Malouki : "Si Léa n'était pas née dans le coton, elle n'aurait jamais dit cela. [...] Elle n'était pas capable d'entrer dans le rôle. J'ai rallongé le tournage pour elle. Léa Seydoux fait partie d'un système qui ne veut pas de moi, car je dérange."
Mais qu'en est-il d'Ophélie Bau cette fois ? L'actrice, nommée aux César pour sa prestation dans le premier volet de Mektoub My Love, n'était pas présente pour le photocall, ni pour la conférence de presse qui suivait ce 24 mai. Dans les deux volets de cette ode au désir s'étirant sur plusieurs heures, elle incarne Ophélie, une jeune femme callipyge et sensuelle, filmée sous toutes les coutures par le réalisateur. Mektoub My Love : Intermezzo est une expérience de 3h28 radicale jusqu'à l'overdose, dont les trois quarts se déroulent en boîte de nuit. Plusieurs spectateurs ont quitté la salle pendant la projection officielle rapporte l'AFP, dont Ophélie Bau, qui n'était plus là lorsque les lumières se sont rallumées.
Je trouve vraiment vos questions déplacées et imbéciles
Durant la conférence de presse, quand un journaliste de l'AFP l'interroge sur l'absence de la comédienne principale ainsi que sur l'enquête pour agression sexuelle dont il fait l'objet, le réalisateur répond : "Je trouve vraiment vos questions déplacées et imbéciles. On est dans un festival de cinéma, on fête, on parle de cinéma. Les questions malsaines que vous êtes en train de poser sont dépassées. J'ai fait mon film en réaction à cet esprit malsain qui se dégage de cette époque." Quant aux comédiens, ils sont tous restés muets à la demande du cinéaste, les questions ne s'adressant de toute façon qu'à lui.
Avec son nouveau film électrochoc, Abdellatif Kechiche ne laisse pas indifférent. Face aux attaques, un point de vue détonne, celui d'Ovidie. Sur Twitter, l'ancienne actrice porno écrit : "C'est quand même marrant que vous n'émettiez pas l'hypothèse que si Ophélie Bau s'est tirée de Cannes, c'est justement pour fuir tout ce délire médiatique et toutes ces attaques violentes autour du film."
Pour appuyer son argument, elle utilise sa propre expérience, celle de sa venue à Cannes pour la présentation du Pornographe de Bertrand Bonello en 2001. Dans son thread, elle dit notamment : "Dans son entretien pour Vanity Fair effectué juste avant la projo [Ophélie Bau] évoque à deux reprises son besoin de se protéger et de se tenir à distance. En fin de compte elle disait déjà qu'elle n'allait pas rester." Cependant, la plupart des internautes soulignent que ce sont les méthodes directions du réalisateur qui sont critiquées : "Certes, mais quoi qu'elle dise, on peut critiquer les méthodes de direction du réal, d'autant que son passif est connu."