
Depuis l'été dernier, l'abbé Pierre est visé par plusieurs accusations de violences sexuelles (33 au total). Après avoir eu vent des comportements de celui qui fut l’emblème de la maison d’Emmaüs jusqu’à sa mort en 2007, la direction de l’établissement avait “commandé une enquête auprès du cabinet spécialisé Egaé, missionné pour recueillir la parole des victimes”, rappelait le Parisien le 14 janvier dernier.
L'abbé Pierre est descendu de son piédestal, certaines mesures ayant été prises afin de ne plus mettre cette figure à la réputation ternie en avant. Mais ce mardi 4 février 2025, il a été annoncé par l'AFP qu'aucune enquête pénale ne sera ouverte à son encontre, les faits étant prescrits.
La Conférence des évêques de France (CEF), qui avait demandé à la justice d'étudier la possibilité d'une enquête, "regrette la décision du parquet", "tout en la comprenant", a-t-elle déclaré à l'AFP. Elle "exprime sa proximité aux personnes victimes et redit sa détermination à agir pour que toute la vérité possible soit faite sur les actes commis par l'abbé Pierre".

Rappelons que ces accusations d'agressions sexuelles mais aussi de viols ont été révélées dans trois rapports différents publiés depuis juillet 2024 par le cabinet Egaé, mandaté par le mouvement Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre pour faire la lumière sur les agissements du prêtre. Le premier rapportait des témoignages de harcèlement et d'agressions sexuelles contre le défenseur inlassable des plus démunis et des mal-logés, provoquant alors une onde de choc.
A la publication du dernier rapport, mi-janvier, Emmaüs avait qualifié son fondateur de "prédateur". Parmi les nouvelles accusations figuraient un viol sur mineur et des faits concernant au moins un membre de la famille du prêtre. Les faits dénoncés s'étalent des années 1950 aux années 2000.
Pour revenir avec davantage de détails sur l'absence d'enquête, le parquet de Paris avait fait savoir le 24 janvier dernier par courrier "que l'action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits." C'est ce qui a été révélé par le parquet à l'AFP ce mardi.

"Une enquête judiciaire a pour objectif de rechercher si des faits pénalement répréhensibles peuvent et doivent être jugés. S'il arrive que le parquet ouvre des enquêtes sur la dénonciation de faits manifestement prescrits au préjudice de mineurs, comme y a par ailleurs incité une circulaire ministérielle, c'est afin de rechercher si d'autres mineurs auraient par la suite été victimes de faits similaires. Si ces faits plus récents s'avèrent non prescrits, le parquet peut alors engager des poursuites contre le mis en cause pour l'ensemble des faits. Ce n'est évidemment pas le cas lorsque celui-ci est décédé", a également précise le parquet.
La non-dénonciation d'infractions, un délit distinct, "a pour objectif de s'assurer que, tant que la victime est dans l'incapacité d'agir par elle-même, les personnes ayant connaissance des faits empêchent qu'ils se reproduisent, et permettent qu'ils soient jugés.", développe le ministère public. Mais, "l'analyse des trois rapports d'Egae n'a pas permis de révéler la situation de victimes pour lesquelles la commission d'une éventuelle non-dénonciation serait encore susceptible de poursuites", apprend-on.
Pour la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé, "le sinistre cas Abbé Pierre démontre une nouvelle fois combien la prescription empêche les enfants devenus adultes" d'avoir droit à "l'accès à la justice". "C'est tout l'enjeu de la proposition de loi - que j'ai déposée et que je défends - qui permet d'instaurer l'imprescriptibilité civile des violences et agressions sexuelles commises sur des mineurs", ajoute-t-elle sur X.

Un point désormais sur les mesures prises afin de ne plus mettre en avant l'abbé Pierre : la Fondation Abbé Pierre, que le prêtre avait créée avec des proches en 1987 pour lutter contre le mal-logement, a pour rappel officiellement changé de nom le 25 janvier pour devenir la "Fondation pour le Logement des Défavorisés". De son côté, Emmaüs France, poids lourd de l'aide aux plus précaires fondé en 1949, a fermé définitivement le lieu de mémoire dédié au prêtre, à Esteville (Seine-Maritime), recommandé à ses structures adhérentes d'ôter tous les visuels le représentant et retiré de son logo la mention à l'abbé Pierre, son fondateur.