
En juillet 2024, des allégations graves ont émergé à l’encontre de l’abbé Pierre, figure emblématique de la lutte contre la précarité en France. Un rapport commandé par Emmaüs International et la Fondation Abbé Pierre a recueilli les témoignages d'au moins sept femmes affirmant avoir subi des comportements inappropriés de sa part entre la fin des années 1970 et 2005. Ces témoignages décrivaient des gestes déplacés, des baisers imposés et, dans certains cas, des agressions sexuelles. Parmi ces victimes présumées, au moins trois auraient été mineures au moment des faits rapportés. En février dernier, le parquet de Paris a déclaré qu’aucune enquête pénale ne pourrait être ouverte pour établir d’éventuelles responsabilités concernant ces accusations, les faits étant prescrits et l’abbé Pierre étant décédé en 2007. À la mi-janvier, l’Église catholique avait sollicité la justice afin d’examiner la possibilité d’une enquête sur l’affaire, déposant un signalement pour "non-dénonciation de viols et agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs". Après l'annonce de la décision du parquet de Paris de ne pas ouvrir d'enquête, la direction de la Fondation Abbé Pierre a décidé d'opérer une transformation majeure.
Lundi 17 mars, le délégué général de l’ex-Fondation Abbé Pierre, Christophe Robert, a annoncé un changement de nom et d’identité visuelle. Désormais, l’organisation portera le nom de Fondation pour le logement des défavorisés, un tournant nécessaire à ses yeux pour préserver son engagement et tourner la page des scandales liés à son fondateur. "Il y a eu consensus au sein de la Fondation sur la nécessité de changer de nom et de logo, tout d’abord par respect pour les victimes, mais également par respect pour tous les militants, les bénévoles, les salariés", a expliqué Christophe Robert dans une interview à l’AFP. Avec ce nouveau nom, la Fondation entend recentrer son action sur sa mission première, loin de l’héritage du prêtre. Le choix de cette nouvelle identité s’inscrit dans une volonté de clarification et d’apaisement, afin de rappeler que la priorité absolue demeure la lutte contre le mal-logement et non les controverses qui ont éclaboussé son fondateur. Au-delà des considérations symboliques, la Fondation doit aussi faire face à une conséquence directe des révélations concernant l’abbé Pierre… En effet, une baisse significative des dons a été constatée comme le souligne Christophe Robert. Depuis la publication du rapport accablant en juillet 2024, les contributions financières des particuliers ont fortement chuté. "Une baisse d’environ 30 %", précise-t-il.
Ce recul des dons représente un enjeu critique pour la poursuite des actions en faveur des personnes en situation de précarité. "Alors, on espère vraiment que ce nouveau chapitre qui s’ouvre, cette clarification sur les choix que l’on fait et le rappel de l’urgence du combat vital de la Fondation pour les mal-logés, rassurera les donateurs particuliers", insiste Christophe Robert. Pour la Fondation, il est essentiel que cette situation ne vienne pas compromettre son action "car, cette baisse de dons, ce n’est pas pour la Fondation en soi que c’est un problème, c’est un problème pour les actions que l’on mène", a rappelé Christophe Robert. "Il ne faudrait pas que les révélations sur les graves agissements de l’abbé Pierre, qu’il fallait révéler, qu’il fallait rendre publics, conduisent à moins de réponses pour les mal-logés", a-t-il conclu.