Lorsque les premiers témoignages sont sortis au cours de l’été, difficile de croire que l’abbé Pierre était bel et bien l’auteur des faits qui lui étaient reprochés. Pourtant, ils sont arrivés et il ne date pas d’hier. Après avoir eu vent des comportements de celui qui fut l’emblème de la maison d’Emmaüs jusqu’à sa mort en 2007, la direction de l’établissement a “commandé une enquête auprès du cabinet spécialisé Egaé, missionné pour recueillir la parole des victimes” comme le rappelle Le Parisien ce mardi 14 janvier.
C’est là que toute la lumière a été faite sur la véritable personne qu’était Henri Grouès, le véritable nom de l’abbé Pierre à l’État civil. Baisers forcés, attouchements, remarques déplacées… Voilà les affronts qu’ont subis plusieurs victimes ayant accepté de témoigner. L’abbé Pierre est donc descendu de son piédestal, certaines mesures ayant été prises afin de ne plus mettre cette figure à la réputation ternie en avant. Et les dernières informations publiées au sujet de l’affaire ne vont rien arranger.
Dans son édition du 14 janvier 2025, le Parisien fait état de neuf nouveaux témoignages. Et parmi eux, au moins deux membres de la famille de l’Abbé Pierre : “‘Une femme de la famille du prêtre a également confié des abus à caractère incestueux, commis à la fin des années 1990’, rapporte le parisien. Selon ce récit, Henri Grouès l’a, à plusieurs reprises, touchée à la poitrine, l’a contrainte à un baiser forcé et lui a tenu des propos à caractère sexuel.” Au moins une autre personne de la famille serait aussi concernée mais n’a pas voulu que son témoignage soit enregistré.
Des soignantes ou encore des volontaires Emmaüs font partie des personnes qui ont ajouté leur témoignage à l’enquête. Et certains des agissements remontent aux années 1960. Une hôtesse de l’air, décédée depuis sans que personne n’ait cru ses propos, avait notamment “griffonné sur son carnet ces mots, sans ponctuation, de retour d’un vol pour Mexico : ‘Abbé Pierre, heureux comme un gosse avec son appareil Polaroïd, bien qu’ému par les jeunes garçons, il m’a tout de même pincé les fesses.’”
Si les faits sont glaçants, ils le sont d’autant plus quand on comprend que cet appareil lui permettait peut-être d’ériger les portraits de ses victimes : “Une victime raconte qu’après l’avoir embrassée de force et lui avoir touché la poitrine, chez lui, Henri Grouès lui a intimé l’ordre de prendre la pose et a dégainé son Polaroïd. Le prêtre a rangé le cliché dans un tiroir contenant une pile de photos similaires.”
Si d’après le cabinet sollicité pour l’enquête, au moins 57 victimes ont pu être identifiées, toutes n’ont pas été entendues. Le Parisien rappelle qu’en 2009, une autobiographie anglaise, baptisée The discovery of Richard Hecht, évoquait le parcours d’un jeune juif caché par des religieux catholiques pendant la Seconde guerre mondiale : “Il mentionne, sans s’étendre, ‘des pédophiles’ dans l’entourage des jeunes garçons et nomme l’abbé Pierre ‘qui venait au dortoir chaque nuit pour assouvir ses pulsions pédophile.’” Selon le rapport établi par le cabinet, plusieurs mineurs auraient été victimes des agissements de l’abbé Pierre, comme un garçon de moins de 10 ans avant 1965, et une fillette de huit ans dans les années 70 : “L’abbé Pierre avait mis en place des mécanismes de mise sous silence des victimes, notamment par des propos au comportement menaçant.” Si certaines ont pris leur courage à deux mains pour dénoncer à l’époque, personne n’a voulu les entendre. Et ce, malgré le séjour de six mois dans les années 1950 de l’abbé Pierre dans une clinique psychiatrique, organisé par l’église mentionnant alors “les comportements inadaptés de l’abbé.”