Un témoignage aussi troublant qu'inédit secoue l'image d'un homme admiré et respecté. Esther Romero, une des 24 femmes accusant l'abbé Pierre d'agressions sexuelles, prend la parole pour la première fois, ce vendredi 25 octobre, un geste courageux qui vise à briser des décennies de silence. Retour sur cette affaire au micro de RTL.
C'est en novembre 1988, à Genève, qu'Esther Romero, alors âgée de 56 ans à l'époque, interprète et journaliste, devait interviewer l'abbé Pierre, une personnalité religieuse influente. "J'arrive à son hôtel, il faisait très froid dehors, se souvient-elle. Il est sorti de sa chambre quand il m'a vue descendre de l'ascenseur.", commence-t-elle par confier. Le ton de la rencontre change rapidement : "Au lieu de s'asseoir, il est venu près de moi et a pressé son corps contre moi. J'étais choquée, je ne pouvais pas croire ce qui se passait."
Alors qu'elle assure avoir vu une érection de l'homme religieux, d'un air grave, elle ajoute : "Il a commencé à me frotter le sein par-dessus mon pull, puis il m'a mis la langue dans la bouche." Un instant de sidération qui n'a laissé place à aucune réaction, aucune fuite. "Je pensais, non, ça ne peut pas être vrai...", raconte-t-elle. Après cet événement, la victime présumée n'a pas porté plainte, ni parlé à personne sauf à une amie proche, consciente de l'aura quasi inviolable de cet homme.
Pendant plus de 20 ans, Esther Romero est restée murée dans le silence, persuadée que la figure emblématique de l'abbé Pierre était intouchable. "Je croyais vraiment qu'il était un saint, comme Mère Teresa, alors je me suis dit que j'attendrais sa mort.", a-t-elle révélé. Ce n'est qu'en 2007, après le décès de l'abbé Pierre, qu'elle décide de partager son histoire dans un média péruvien. Cependant, cette première prise de parole reste dans l'ombre, ignorée des médias européens et de l'opinion publique.
L'ancienne journaliste qualifie l'omerta entourant ces accusations d'"hypocrisie de l'Église catholique". Pour elle, ce silence institutionnel relève d'un scandale qui a perduré pendant presque 70 ans. "C'est une hypocrisie de cacher cette histoire. Il est temps que cela soit connu. ", a-t-elle déclaré au micro de RTL. Aujourd'hui, avec cette libération de la parole, cette dernière espère inciter d'autres victimes à s'exprimer. Esther Romero ne s'attend à aucun soutien de la justice, mais souhaite que l'Église catholique prenne enfin la responsabilité de faire la lumière sur ces accusations.