Début novembre, l'affaire Edouard Stern est revenue sous les feux des médias en raison de la libération de Cécile Brossard, la meurtrière du banquier tué en 2005 lors d'ébats à caractère sado-masochiste. A présent, le journal Libération met en lumière l'écrivain Régis Jauffret, auteur du livre inspiré de cette histoire, Sévère, et qui est assigné en justice pour atteinte à la vie privée. L'affaire sera plaidée au civil à Paris, probablement courant 2011.
En mars dernier, Régis Jauffret publiait aux éditions du Seuil le roman Sévère que l'écrivain a écrit en s'inspirant de l'affaire glauque d'Edouard Stern. L'auteur est désormais assigné en justice par la famille de la victime qui "réclame le retrait du livre pour atteinte à la vie privée", indique Libération.
Si les journalistes répondent à un besoin légitime d'informations, l'écrivain a pour but de "divertir le lecteur et de tirer un profit commercial d'un drame médiatisé", déplorent la veuve d'Edouard Stern, ses trois enfants et sa demi-soeur, la productrice Fabienne Servan-Schreiber. Selon l'assignation rédigée par maître Karim Beylouni, "la démarche littéraire ne fait qu'aggraver ce traumatisme".
La Cour de cassation va dans ce sens, estimant que le respect de la vie privée s'impose avec davantage de force à l'auteur d'un roman qu'à un journaliste. Avec L'Enfant d'octobre de Philippe Besson, sur l'affaire du petit Grégory, l'auteur avait été condamné à plus de 80 000 euros de dommages et intérêts pour diffamation et atteinte à la vie privée.Régis Jauffret se défend en déclarant : "On a dit bien pire sur l'affaire, dans la presse et dans un livre document [Le fils du serpent, vie et mort du banquier Stern] Quand il y a meurtre, il n'y a plus de vie privée". Dans son ouvrage, l'écrivain n'a pas donné de noms et se présente ainsi : "Je suis romancier, je mens comme un meurtrier. Je ne respecte ni vivants, ni morts, ni leur réputation, ni la morale."
De plus, la famille s'oppose aussi sous astreinte de 200 000 euros à l'adaptation cinématographique en cours. L'actrice Hélène Fillières (Mafiosa), également scénariste, avait annoncé sa volonté de porter sur grand écran cette affaire en adaptant le livre de Jauffret : Elle souhaite en faire "un récit à la première personne, organisé en trois temps ; l'exécutrice raconte sa cavale et le procès qui suivirent le forfait, puis son lointain passé et la naissance de sa relation avec le banquier, gouvernée par la soumission sexuelle," pouvait-on lire dans la revue Les Inrocks. Un projet bien mis à mal...
En attendant le verdict, Régis Jauffret s'inquiète que les maisons d'édition soumettent systématiquement les manuscrits à leur service juridique et voudront en refuser de nombreux pour éviter tout risque. D'ailleurs, l'éditeur habituel de l'écrivain, Gallimard, a refusé de publier Sévère en raison des risques judiciaires.