Les femmes dans la vie d'Alain Delon sont passées, innombrables. Et chacune, à sa façon, a permis à la légende du cinéma français, inhumé ce samedi 24 août dans sa propriété de Douchy transformée en forteresse, de se construire. Mais parmi elles, trois ont eu un rôle très particulier puisqu'elles ont façonné la carrière de l'acteur, comme le rappelle le magazine Point de Vue paru cette semaine.
La première est méconnue du grand public. Alain Delon l'a pourtant aimée. Elle s'appelle Brigitte Auber, est toujours vivante et a fêté ses 99 ans en avril dernier. C'est une comédienne qui a commencé sa carrière au milieu des années 40, mais c'est bien plus tard qu'elle va croiser la route d'Alain Delon.
En 1956, le jeune homme vient de rentrer en France après des péripéties militaires qui l'ont conduit en Indochine, et même en prison. Il fait des petits boulots, fréquente des voyous, des gigolos, et admire ce monde où le sens de l'honneur et de l'amitié sont mis en avant, et qu'il jouera ensuite si bien dans ses films.
C'est à ce moment-là qu'il fait la connaissance de Dalida. Mais une autre femme va avoir une plus grande influence sur lui, c'est donc Brigitte Auber. Il la croise à Saint-Germain-des-Prés. L'actrice vient alors de tourner dans La Main au collet avec Hitchcock. Elle le prend sous son aile. Ils habitent ensemble et elle le détourne de ce monde de la pègre et de la nuit dans lequel il était sur le point de se perdre.
C'est un carrefour majeur dans son existence. Il a 21 ans. L'année suivante, en 1957, la comédienne, de onze ans son aînée, l'emmène avec elle au festival de Cannes, où Delon rayonnera plus tard tant de fois... Ils logent dans la maison qu'elle possède à Saint-Paul-de-Vence. Delon croise de grands noms du cinéma, dont Jean-Claude Brialy, et il est repéré par un agent artistique hollywoodien qui décide de lui laisser sa chance. Delon part à Rome faire des essais. Il ne sera pas voyou, il sera acteur. Fin du premier acte, et par là même, de son histoire avec Brigitte Auber.
À son retour d'Italie, alors qu'il a convaincu les Américains de son talent, qui lui proposent un contrat de 7 ans aux États-Unis, il fait la connaissance d'une autre femme : Michèle Cordoue. Née en 1920, quinze ans avant Delon, elle aussi est actrice. Et elle aussi, il la séduit en parvenant à cet étonnant tour de force : en devenant l'amant de Michèle Cordoue, il tape dans l'oeil de son second époux, Yves Allégret, un réalisateur qui s'apprête à tourner son premier film, Quand la femme s'en mêle.
Allégret engage Delon pour un petit rôle aux côtés de la star du film, Edwige Feuillère, en lui donnant ce conseil dont le futur Guépard ne se départira jamais et dont il se remémorera bien des années après : " Je ne savais rien faire. Allégret m'a regardé comme ça et il m'a dit : "Écoute-moi bien, Alain. Parle comme tu me parles. Regarde comme tu me regardes. Écoute comme tu m'écoutes. Ne joue pas, vis." Ça a tout changé. Si Yves Allégret ne m'avait pas dit ça, je n'aurais pas eu cette carrière." Juste après ce film, Marc Allégret, le frère d'Yves, le fait tourner dans un autre film. Fin du deuxième acte, et de son aventure avec Michèle Cordoue : sa carrière est lancée.
La troisième femme qui comptera dans la carrière de Delon n'est plus à présenter puisqu'il s'agit de Romy Schneider. Il en fait la connaissance l'année suivante, en 1958. Elle est déjà une star mondialement connue après avoir tourné dans Sissi. Elle le choisit, sans le voir, en regardant seulement des photos, pour incarner à côté d'elle un partenaire masculin dans le film Christine. Leur première rencontre se déroule le 10 avril 1958 à Orly. Romy descend de son avion. Le premier contact est glacial. Elle ne parle pas le français, il ne parle pas l'allemand. Deux mois plus tard, lorsque le tournage commence, leur relation est toujours aussi mauvaise... Et pourtant, contre toute attente, ils vont tomber amoureux. On connaît la suite de l'acte : il s'achèvera en tragédie. En attendant, Delon, lui, en trois ans et grâce à trois femmes, a fait son entrée dans le monde du cinéma. Il n'en sortira jamais.