Rails de coke, dopage et règlements de compte tous azimuts : quand il dit, pour justifier le grand déballage de son autobiographie Sexe, drogue et natation (Fayard) qui en sort en librairies, qu'il en a "marre de lire des livres de souvenirs gnangnan et des autobiographies à l'eau de rose", Amaury Leveaux ne ment pas. Son pavé dans la mare, c'est plutôt pan pan et eau de boudin !
"Un beau gosse de l'équipe de France, chouchou du grand public en train de sniffer un rail de coke entre les seins d'une attachée de presse"
"Un nageur brise l'omerta", revendique la manchette barrant la couverture de ces mémoires inattendus qui promettent de sacrés remous. Déjà sulfureux du temps de sa carrière d'athlète de haut niveau, Leveaux la brise même bruyamment, effrontément, obscènement, l'omerta du milieu de la natation. La Fédération, les clubs, ses collègues : tout le monde en prend pour son grade, entre ces tricheurs qui méritent "une balle dans la tête" et ce "chouchou du public sniffant de la coke entre les seins [d'une attachée de presse aux JO de 2012]"... Retraité des bassins depuis 2013, qu'on voit régulièrement dans les soirées parisiennes ("je ne fais quasiment rien dans les médias alors que je suis invité partout", signale crânement celui qui fut parmi les premiers à être approchés pour le jeu télé Dropped), le quadruple médaillé olympique, vice-champion du 50 m nage libre à Pékin (2008), ne va pas arranger sa réputation de franc-tireur ; pourtant, il affirme au contraire avoir rédigé (avec la collaboration de Christophe Quillien) ce livre "pour remettre les choses à plat" : "Depuis que j'ai arrêté, beaucoup de personnes que je rencontre me disent à la fin : ce n'est pas l'image que j'avais de toi (...) Celle que les médias écrits ont donnée. Chaque sportif a son image et après, évidemment, il en joue et j'en ai un peu joué... Pas trop. Le gars nonchalant, extravagant, un peu malpoli... et en fait c'est tout l'opposé", explique-t-il à L'Equipe.
Mais plutôt que de verser dans l'autoportrait, Amaury Leveaux cultive son image en dézinguant celle des autres et en révélant l'envers du décor, pas reluisant. "Les amateurs de natation (...) seraient étonnés de découvrir tout ce qui se passe en coulisses", assure-t-il à l'AFP et démontre-t-il dans l'ouvrage. Parmi les allégations les plus tapageuses, la consommation habituelle de cocaïne en équipe de France : "Certains d'entre nous ne crachent pas sur un petit rail de temps en temps. Pour d'autres (...) c'est carrément une autoroute couverte de poudre blanche sur laquelle ils glissent à vitesse grand C, comme Cocaïne", écrit-il, assurant que cette drogue, qu'il a lui-même essayée à quelques reprises, est consommée à la fois dans un cadre festif et comme "produit dopant" car "euphorisant". Dans son entretien avec L'Equipe, le fantasque champion la joue presque blasé : "C'est pas un scoop. Je me suis dit que ça pouvait être pas mal. J'ai appelé Fayard pour savoir si ça leur plaisait. Évidemment, ça leur a plu." Quant au passage décrivant un certain "beau gosse de l'équipe de France, chouchou du grand public" en train de "sniffer un rail de coke entre (les) seins" d'une attachée de presse lors d'une soirée aux Jeux olympiques de Londres en 2012, qu'il ne nomme pas : "On est tous beaux gosses, non ?, élude-t-il avec impertinence... Y'a pas de soupçons, y'a un mec qui a fait un truc, s'il se reconnaît, il se reconnaît..."
"Une balle dans la tête"
Amaury Leveaux a pris bien soin de ne mentionner aucun nom, mais certains ne manqueront pas de se reconnaître, voire de se faire reconnaître... N'a-t-il pas peur du retour de manivelle ? "Y'a pas de noms, je ne vois pas de qui je vais recevoir des coups de fil (...) Faudra déjà qu'ils réussissent à avoir mon numéro. Quand j'ai arrêté ma carrière, j'ai reçu des messages de Hugues (Duboscq), Alain (Bernard), Clément (Lefert), Fabien (Gilot) et c'est tout. Alors les autres... S'il y en a encore un qui a mon numéro, c'est exceptionnel." Le recordman du monde du 100 m nage libre en petit bassin et amoureux inconditionnel du rosé ("mon péché mignon") égratigne en particulier les "cagoles" du Cercle des Nageurs de Marseille - Fabien Gilot, Frédérick Bousquet, Florent Manaudou ou Camille Lacourt-, club qu'il a tenté de rejoindre en 2012 (se heurtant selon lui à une levée de boucliers), qui font "les beaux avec un melon gros comme ça". "Je ne pense pas qu'ils aient une image flatteuse de moi", souffle-t-il en guise de commentaire, estimant ne pas avoir eu la dent trop dure : "Je ne pense pas que je les fracasse. Je dis les choses... Après je parle un peu trop, comme toujours. Et c'est facile pour les médias de parler de "mec grande gueule". Et a contrario, il y a des personnes qui font très attention à ce qu'ils disent et c'est tout de suite: "Aaaah les talentueux ! Les gigantesques ! Les géants de la natation !"."
Cela pourrait être pire, comme dans le cas du champion brésilien Cesar Cielo, sacré devant lui en 2008 et comparé à Lance Armstrong : "Les tricheurs, c'est comme les pédophiles... Une balle dans la tête. Je suis peut-être extrémiste", lâche-t-il.
Les autres ne sont pas en reste, à l'image du bon élève de la classe Yannick Agnel, dont il critique l'image d'érudit, ou Alain Bernard, superstar médiatique. "Je ne pense pas qu'ils le prendront mal", dit-il à l'endroit de ceux-là. Dans tout cela, Laure Manaudou, qui occupe "une place à part dans (son) coeur", surnage, avec tout un chapitre consacré à son amour platonique pour elle.
Remonté également contre les "dinosaures" de la Fédération qui veulent "profiter du système", Amaury Leveaux assène qu' "exister médiatiquement n'est pas le but" de son grand déballage. Et de rappeler, comme il l'a déjà mis en exergue à maintes reprises : "Déjà quand je nageais, j'avais beau faire les plus belles choses, je n'existais que quand je faisais les pires. Quand je méritais la une, je ne la faisais jamais", peste-t-il. Avec un tout petit peu de mauvaise foi, à en croire les remarques de L'Equipe quand il développpe le sujet : "Le livre n'est pas fait pour dire "regardez mon palmarès, tout ce qu'on m'a enlevé ou tout ce que je n'ai pas eu par rapport aux autres". J'ai eu énormément de choses, peut-être plus que d'autres. Il n'y a aucune aigreur par rapport aux autres. Chacun a ce qu'il mérite. Si on ne retient pas mon palmarès, c'est comme ça. Ça me faisait chier quand je nageais... Fin 2008, quand Alain (Bernard) bat le record du monde en petit bassin, il se retrouve en une de L'Equipe avec en titre "Supersonique" ou "Stratosphérique" (en fait "Bernard Superstar"). Une semaine après, je fais mieux et je ne suis même pas en timbre poste (en fait "Leveaux supersonique" en haut de la une, éclipsé par le choc de L1 OL-OM). Et en plus à ce moment-là, quand il y avait plein de demandes des médias et de partenaires, la personne qui s'occupait de moi a dit non à tout..."
Même dans l'argu promo, Amaury Leveaux n'enlève pas sa combinaison - son slip, pardon - de tête brûlée : "J'ai voulu montrer que ce n'est pas tout beau tout rose. J'ai trouvé un titre accrocheur, assez marrant. Le but c'est que beaucoup de personnes le lisent. Si c'est pour vendre trois livres, ça sert à rien."
Sexe, drogue et natation, un nageur brise l'omerta, par Amaury Leveaux, avec la collaboration de Christophe Quillien, aux éditions Fayard.