L'annulation des concerts organisés par l'hebdomadaire Les Inrocks devant la pyramide du Louvre est une affaire qui a de quoi créer la polémique. Le site du Point.fr a révélé le 26 avril que le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand annule ces deux sessions de shows avec en tête d'affiche Charlotte Gainsbourg, Phoenix et Mika entre autres, mais cette décision pourrait remonter plus haut : au niveau de la première dame de France, Carla Bruni-Sarkozy. Pas cool pour deux artistes comme eux !
Le Canard enchaîné en kiosque ce matin revient en détail et par le menu sur cette affaire. Les manifestations des Inrocks sont des concerts payants prévus cette année dans la cour Napoléon du Louvre et la direction du musée était ravie de cette initiative. "Il fallait juste fermer à minuit", explique le numéro 2 des Inrocks, Louis Dreyfus. Quant au co-producteur des concerts, Dominique Revert, il précise : "On nous a simplement demandé de réduire le public de 20 000 à 15 000."
Les organisateurs apprennent l'annulation par un ordre ministrériel qui met beaucoup de personnes dans une situation délicate, et plus particulièrement "les artistes qui ont refusé d'autres contrats pour être là, et qui sont furieux", explique le producteur. Néanmoins, les Inrocks découvrent que cette interdiction vient de Carla Bruni en personne : "Pour la bonne cause, comme il se doit [elle est ambassadrice pour le Fonds mondial de lutte contre le SIDA]. Celle de Solidarité Sida, dont le concert Solidays se tiendra du 25 au 27 juin et pourrait pâtir de la concurrence des Inrocks."
D'ailleurs, Luc Barruet, très proche de Carla et directeur de Solidarité Sida considère que le double concert des Inrocks pourrait nuire à son événement. Interrogé par Rue89.com, Dominique Revert affirme que "Barruet ne voyait pas d'un bon oeil les concerts des Inrocks, depuis le mois de février," lorsqu'il a su qu'ils étaient "en concurrence pour deux autres artistes".
Jules Frutos, l'autre producteur, va plus loin : "Il nous a prévenus qu'il connaissait Carla Bruni. [...] Ce qui me choque, ce n'est pas qu'il l'appelle, c'est que le ministère intervienne." Après recherches, il est pourtant apparu que tous les pass de Solidays ont déjà été écoulés... Les Inrocks ont contacté la first lady, l'échange est abrupt selon le Canard et celle-ci s'en va même vérifier la position de la préfecture sur cette question, étonnée que le rock au Louvre ait été autorisé...
Moins de 30 minutes plus tard, Louis Dreyfus reçoit un appel d'un proche du préfet, le concert est annulé, et toc ! Le directeur du cabinet du préfet a assuré au Canard Enchaîné - qui s'étonnait de cette coïncidence... - qu'il n'a "jamais été d'accord avec cette décision. Un concert avec tant de monde était trop risqué". Pourtant, à en croire les organisateurs, la préfecture été complétement ok, il y a encore 15 jours !
Pierre Hanoteau, directeur du cabinet de Frédéric Mitterrand expose son point de vue : "Le Louvre ne nous a jamais saisis, et Matthieu Pigasse [Le Patron des Inrocks] m'a averti il y a à peine quinze jours." De plus, le ministre trouve "très ringarde l'idée d'opposer [sic] un monument à la musique actuelle" et rappelle que "c'est le jour de la célébration de l'Appel du 18 juin". Des concerts déplacés ? Le ministre est pourtant le premier à aimer surprendre... même en pyjama ! Là encore, Louis Dreyfus jure que le directeur du cabinet de Mitterrand était "entièrement d'accord" il y a une semaine.
D'après l'enquête de Rue89.com, le cabinet du ministre explique : "Ce n'est pas en raison du 70e anniversaire de l'appel du 18 juin en tant que tel, mais en raison des manifestations qu'il y aura déjà à gérer autour de cette commémoration." Le même argument de la sécurité est donné pour le fait d'organiser un concert au Louvre. La préfecture parle de "site classé et fragile" tout en ajoutant les complications d'organisation de sécurité deux jours avant un autre gros événement musical : la fête de la musique... mouais.
Carla Bruni aurait-elle fait des pressions pour que les Inrocks ne fassent pas de l'ombre aux Solidays ? Les arguments pour justifier l'annulation des concerts sont légion, ne se justifient pas forcément et rendent opaque cette situation. Pour sortir de cette impasse et pour ne pas perdre l'argent que les Inrocks et les producteurs ont avancé (ils parlent de 120 000 euros), ils pourraient se replier sur des lieux proposés par la Mairie de Paris mais "non soumis à la tutelle du ministère de la Culture." Selon LePoint.fr, la Ville de Paris a fait savoir aux Inrocks "qu'elle était prête à négocier l'accueil des concerts aux CentQuatre (un lieu de création artistique dépendant de la mairie)".
Le Canard Enchaîné a titré : "Carla interdit le rock au musée du Louvre", et en sous-titre "Et c'est Frédéric Mitterrand qui s'est chargé d'annoncer la mauvaise nouvelle"... Il est vrai qu'il n'a pas grand-chose à refuser à la première dame, à qui, il doit un peu sa place, non ?