Le 69e festival du film de Berlin a couronné samedi 16 février 2019 un film israélien qui aborde sans concessions les tiraillements politiques et sociétaux qui traversent le pays : Synonymes, indique l'AFP. Le jury présidé par Juliette Binoche a aussi décerné une récompense au film du réalisateur français François Ozon, Grâce à Dieu, sur les scandales de pédophilie dans l'Église catholique, une production qui n'est même pas encore certaine de pouvoir sortir en salles comme prévu la semaine prochaine en France, en raison d'un litige judiciaire. Pour le grand soir, la star française a brillé sur le tapis rouge berlinois dans une robe rose pâle signée Balmain.
L'Ours d'or a été décerné à Synonymes de l'Israélien Nadav Lapid, dont le personnage principal est un jeune qui s'expatrie en France et refuse de parler hébreu : "C'est un film qui pourrait être considéré comme un scandale en Israël. Le film aborde le problème de l'âme collective israélienne contemporaine qui est incarnée par un mélange d'hommes forts, violents et fidèles à leur pays, sans ressentir de doutes, sans réserve", a dit le metteur en scène Nadav Lapid, faisant allusion à la montée en puissance du sentiment nationaliste dans son pays.
Questionnement sur la difficulté d'être israélien mais aussi sur l'identité en général, Synonymes est inspiré de la vie du cinéaste à Paris au début des années 2000. Son personnage, incarné par Tom Mercier, décide de rejeter sa culture et sa langue, d'apprendre le français dans un dictionnaire et de se faire adopter par la France, avant d'en découvrir aussi des aspects moins plaisants.
Autre film distingué à Berlin, Grâce à Dieu raconte l'histoire vraie de trois victimes dans le scandale Barbarin, du nom du cardinal de Lyon jugé dans cette affaire soupçonné d'avoir couvert des abus sexuels présumés commis par un prêtre français, le père Preynat. "C'est un film qui essaie de briser le silence de l'Église catholique en France, a dit le réalisateur François Ozon. Il s'agit d'une histoire vraie et il y a de grandes résistances en France." Une allusion au bras de fer qui l'oppose à la défense de Bernard Preynat, qui a demandé un report de la sortie du film. La justice doit dire la semaine prochaine si le film peut sortir mercredi ou pas. Si la projection devait être suspendue jusqu'à l'issue du procès du père Preynat à la fin de l'année ou en 2020, "ce serait une sorte de censure", a estimé le réalisateur.
La Chine a été aussi mise à l'honneur à la Berlinale. Les prix d'interprétation sont revenus aux deux acteurs du film chinois So Long, My Son de Wang Xiaoshuai ("Beijing Bicycle"), long métrage sur l'impact de la politique de l'enfant unique dans le pays : Yong Mei et Wang Jingchun.
Juliette Binoche a "regretté", au nom du jury, qu'un autre film chinois, One Second du vétéran Zhang Yimou (Ours d'or à Berlin en 1988 pour Le Sorgho Rouge), ait été retiré au dernier moment de la compétition, officiellement pour des "raisons techniques", mais en réalité à cause de la censure dans son pays.
Un hommage a été rendu au début de la cérémonie à l'acteur suisse Bruno Ganz, mort samedi à 77 ans à Zürich. Il avait notamment joué le rôle d'ange dans le film Les Ailes du désir de Wim Wenders en 1987 et incarné Hitler dans La Chute en 2004.
Le palmarès complet de la 69e Berlinale
Ours d'or : Synonymes de l'Israélien Nadav Lapid
Grand prix du jury : Grâce à dieu de François Ozon
Prix de la mise en scène : Angela Schanelec (Ich war zuhause, aber / J'étais chez moi, mais)
Prix de la contribution artistique : Rasmus Videbaek (Out Stealing Horses)
Prix d'interprétation féminine : Yong Mei (So Long, My Son)
Prix d'interprétation masculine : Wang Jingchun (So Long, My Son)
Prix du scénario : Claudio Giovannesi, Roberto Saviano et Maurizio Braucci (La Paranza dei Bambini)
Prix Alfred-Bauer de l'audace : System Crasher de Nora Fingscheidt