Info Purepeople - Il devait détenir le record du titre de mémoires le plus long*, pour le récit facétieux de sa vie d'acteur publié en 2007, mais était aussi et surtout un visage et une voix incontournables du paysage artistique français de la deuxième moitié du XXe siècle : Bernard Dhéran - de son vrai nom Bernard Poulain - s'est éteint paisiblement à l'âge de 86 ans dans les premières heures du dimanche 27 janvier 2013, à Marrakech, où il vivait.
En près de 65 ans de carrière, de la fin des années 40 et ses débuts à la Comédie-Française à ses dernières apparitions sur les planches et ses derniers doublages en 2010-2011, ce Normand d'origine aura participé à une centaine de films, à des dizaines de téléfilms et de productions théâtrales, s'illustrant particulièrement dans des rôles historiques, et aura également doublé les plus grandes vedettes, prêtant souvent son timbre imposant pour des personnages incarnant l'autorité.
Diplômé du Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris en 1947 et pensionnaire de la Comédie-Française de 1953 à 1957 avant d'en devenir le 437e sociétaire en 1961 (il se retirera en décembre 1989, alors doyen de l'institution), Bernard Dhéran était avant tout autre chose un remarquable homme de théâtre, au parcours complet, et qui aura joué toute sa carrière durant les plus grands dramaturges : Molière, Corneille, Shakespeare, Musset, Marivaux, Goldoni, Strindberg, Labiche, Guitry, Anouilh, Kafka, Camus... Outre le répertoire classique, il s'était mis en évidence dans les années 1990-2000 au service de quelques contemporains, comme Eric-Emmanuel Schmitt pour Hôtel des deux mondes, présentée au Théâtre Marigny en 1999 et qui lui valut en 2000 sa deuxième nomination au Molière du meilleur comédien dans un second rôle (après celle de 1995 pour Les affaires sont les affaires d'Octave Mirbeau), Laurent Baffie pour Toc-Toc, au Théâtre du Palais-Royal en 2006, ou dernièrement Simon Williams et Personne n'est parfait, une pièce qu'il jouait en 2010 au Théâtre des Variétés avec Jean-Luc Reichmann et Corinne Touzet (rôle repris en 2011 par Véronique Jannot) dans une mise en scène d'Alain Sachs.
Au grand écran, Bernard Dhéran a collectionné les seconds rôles au fil des décennies au point de devenir un visage incontournable - son rôle du Colonel Voisin dans On a retrouvé la 7e compagnie (1975) de Robert Lamoureux en témoigne bien. Il avait fait ses vrais débuts avec de petits rôles dans Les Belles de Nuit (1952), film de René Clair porté par Gérard Philippe, et dans Le Grand Pavois (1954), de Jack Pinoteau, frère de Claude, qu'il côtoiera d'ailleurs l'année suivante en tant qu'assistant réalisateur de Ralph Habib pour Les Hommes en blanc. Gangster pour un rôle plus consistant dans Vacances explosives de Christian Stengel en 1957 et à l'affiche du Grand Bluff de Patrice Dally la même année, il collectionne les seconds rôles et côtoie les plus grands, étant par exemple dans l'ombre d'Alain Delon, Romy Schneider (qu'il recroisera dans Katia, en 1959) et Micheline Presle pour Christine (1958) de Pierre Gaspard-Huit, pour qui il tournera en 1961 dans Le Capitaine Fracasse (avec Marais et Noiret) ou de Jean Gabin et Claude Brasseur pour Rue des prairies (1959), de Denys de la Patellière.
L'un des protagonistes principaux (Henri de Villefort) dans Le Comte de Monte-Cristo (1961) de Claude Autant-Lara un an après être passé devant la caméra de Claude Sautet pour Classe tous risques, Bernard Dhéran continuera de se signaler dans, entre autres, Les Bricoleurs (1963) et Les Gorilles (1964) de Jean Girault, Les Jeunes loups (1968) de Marcel Carné, L'Homme à la Buick (1968, avec Fernandel et Jean-Pierre Marielle) de Gilles Grangier, Le Silencieux (1973) de Claude Pinoteau, On a retrouvé la 7e compagnie (1975) de Robert Lamoureux, Bernadette (1988) de Jean Delannoy. Plus récemment, il avait joué notamment dans Ridicule (1996) de Patrice Leconte et Ensemble, c'est tout (2007) de Claude Berri.
Bernard Dhéran a également accumulé une impressionnante collection de prestations pour le petit écran, dont de mémorables performances dans des rôles historiques pour Marion Sarraut (Talleyrand dans Marianne en 1969, Beaumarchais dans Le Gerfaut en 1987, Richelieu dans La Comtesse de Charny en 1989, La Florentine en 1991).
Ces vingt dernières années, et jusqu'à tout récemment, Bernard Dhéran avait en outre cultivé une impressionnante voxographie, avec des doublages allant des plus grandes stars internationales, comme Anthony Hopkins (de Malcolm X en 1992 à Thor en 2011), Sean Connery, Christopher Plummer, Christopher Lee ou Ian McKellen (notamment en Magneto dans la saga X-Men), au monde de l'animation, avec notamment le cardinal de Richelieu dans Albert le 5e mousquetaire, l'empereur dans Mulan ou encore la Chenille bleue dans le Alice de Tim Burton.
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*En 2007 était paru, aux éditions Scali : Je vais avoir l'honneur et l'ineffable jouissance, chers vieux abonnés de la Comédie-Française, chers lecteurs, d'aiguiser ma plume d'oie et de vous asséner avec tendresse quelques truculentes histoires vécues au cours des tribulations d'un comédien ordinaire du roy et de la république.