Il aura fallu plus de trente ans après la mort de Serge Gainsbourg pour que le 5 bis rue de Verneuil, lieu de vie de ses dernières années et de ses ultimes heures, soit ouvert au public. Ce projet d'une vie, c'était celui de sa fille Charlotte. A l'origine, la comédienne de 53 ans ne souhaitait pas faire de cette maison symbolique le musée que l'on connaît aujourd'hui. Puis l'idée a fait son chemin, après des années à avoir gardé tous les secrets de son père pour elle : "Dans les dix premières années, quand j'étais la plus sûre du projet, c'était très compliqué à faire aboutir. Et après, j'ai fait marche arrière parce que c'était un peu ce qui me restait de lui, donc je le gardais comme un trésor, déclarait-elle en 2021. Je suis partie à New York - maintenant je suis de retour à Paris - j'ai pris de la distance et j'ai compris qu'il fallait que ça se fasse."
C'est en septembre 2023 que le public a eu l'honneur d'être au plus intime de ce qu'était Serge Gainsbourg. Et les découvertes n'ont pas déçu ! Elles n'ont en tout cas laissé personne indifférent. Un article mondialement connu a même pleuré durant toute la visite quand d'autres ont été percutés par un détail particulier. Si sur le papier, tout roule comme sur des roulettes, les comptes ne suivent malheureusement pas en dépit du succès rencontré par le musée (les billets s'arrachent et le prix a même été augmenté.)
Pour faire aboutir ce projet, Charlotte Gainsbourg voulait s'entourer des meilleurs. Dans son équipe, elle a fait appel à Dominique Dutreix, un promoteur immobilier avec qui un deal avait été passé. "Selon leur accord scellé par écrit en 2019, elle apportait le bâtiment où avait vécu son père, et lui se chargeait, seul, d'assumer les financements. Il lui revenait de trouver les prêts nécessaires ou d'apporter des fonds propres, dont il obtiendrait le remboursement une fois la Maison Gainsbourg devenue bénéficiaire" apprenait-on dans L'informé. Mais sa part du marché, Dominique Dutreix ne l'aurait a priori pas respectée, faisant basculer les comptes de l'établissement dans le rouge.
On apprenait à peine quelques mois après l'ouverture que la Maison Gainsbourg était criblée de dettes : "Au total, selon un décompte arrêté fin octobre 2023, la Maison Gainsbourg a accumulé 1,65 million d'euros de dettes auprès de ses différents fournisseurs. Et ce, alors qu'elle doit déjà rembourser plusieurs prêts bancaires : elle a emprunté un total de 3,5 millions d'euros pour mettre sur pied l'établissement." Près de 800 000 euros n'ont toujours pas été réglés aux différents fournisseurs que sont EDF ou la société de gardiennage, essentiels au bon fonctionnement du musée.
Le litige n'ayant pas pu être réglé en privé entre Charlotte Gainsbourg et son associé Dominique Dutreix, l'affaire a été portée devant le tribunal : "La rupture entre les deux est consommée. Un mandataire ad hoc a été désigné, et la situation de l'établissement se discute devant le tribunal de commerce de Paris. Selon une ordonnance de référé rendue fin mars, consultée par L'Informé, Dominique Dutreix a été condamné à renflouer les caisses de l'établissement à hauteur de 1,5 million d'euros."
La confrontation a bel et bien commencé. Le Figaro rappelait mi-novembre que Charlotte Gainsbourg avait entamé trois procédures distinctes : "Les procès en responsabilité et celui au pénal sont prévus dans un an. La troisième, une procédure a été jugée en première instance par le tribunal de commerce de Paris en mars. Dans son ordonnance, le président a entièrement donné raison à Charlotte Gainsbourg. Dominique Dutreix a été condamné, avec astreintes, à régler les dettes à hauteur de 1,5 million d'euros et à renflouer leur société à hauteur de près de 500 000 euros."
Alors qu'il lui est reproché de ne pas avoir assuré son rôle, Dominique Dutreix s'est défendu : "J'ai dépensé 400 000 euros pour remettre la maison de son père en l'état. J'ai fait ravaler la façade, mis des moquettes neuves, fait repeindre, construit une verrière au-dessus du passage vers la cuisine... En contrepartie, Charlotte Gainsbourg ne devait pas toucher de loyer pour la maison de son père avant trois ans. Elle a visiblement changé d'avis puisqu'elle réclame 20 000 euros. En plus, elle a nommé son fils codirecteur avec un salaire confortable." Les deux parties se renvoient la balle.
Le 19 décembre dernier, une avancée majeure dans l'affaire a eu lieu. La justice a condamné "Dominique Dutreix à verser près d’un million d’euros dans les caisses de l’établissement. Elle confirme ainsi une ordonnance rendue par le tribunal de commerce en mars, en révisant toutefois le montant à la baisse, révélait L'informé. Dans le détail, l’homme d’affaires doit rembourser 482 000 euros pour des ponctions irrégulières faites dans les comptes la Maison Gainsbourg, et ajouter 505 000 euros au titre des avances qu’il avait promises dans l’accord de partenariat avec Charlotte Gainsbourg établi en 2019." Mais cette décision est contestée par le principal intéressé qui comptait bien se pourvoir en cassation comme ses avocats l'ont fait savoir au moment du verdict !
De son côté, Charlotte Gainsbourg, dont l'avocat était satisfait de la décision de justice, ne compte pas en rester là non plus. Elle a fait savoir qu'elle avait pour intention de porter l'affaire au pénal. "Charlotte Gainsbourg a engagé une procédure pour le compte de sa société à l'encontre de Dominique Dutreix pour abus de biens sociaux, comme nous l'apprenait Le Parisien le 20 décembre 2024. Une première audience de fixation est prévue pour début 2025. Comme désormais la Maison Gainsbourg est placée en redressement judiciaire, la mandataire judiciaire a aussi lancé une procédure au civil."