Cela fait 54 ans, ce 23 septembre, que Bourvil a tiré sa révérence. Foudroyé par un cancer de la moëlle osseuse, l'inoubliable comédien a été emporté à 53 ans, laissant le cinéma français orphelin de l'un de ses plus grands talents, lui qui était capable d'exceller aussi bien dans le registre de la comédie que dans des rôles plus graves.
Le duo comique qu'il formait avec Louis de Funès, notamment dans Le Corniaud, La Grande Vadrouille ou La Traversée de Paris, n'a pas pris une ride après un demi-siècle. Le talent de Bourvil à incarner des personnages plus sombres, comme celui du commissaire principal Mattei dans Le Cercle Rouge, est également resté gravé dans les mémoires. Après sa mort, il a laissé un vide immense que ses successeurs, à qui l'on a parfois accolé l'étiquette de fils spirituel de la star, comme Dany Boon, peinent à combler.
Ce vide, deux personnes l'ont sans doute ressenti plus que tout autre ce 23 septembre 1970, lorsque l'acteur a poussé son dernier soupir, dans son appartement parisien de la rue Ernest-Hébert, dans le 16e arrondissement de Paris : Dominique et Philippe Raimbourg, les fils de Bourvil, né André Raimbourg. Le premier avait 20 ans, le second à peine 17. Tous deux nés des amours de Bourvil avec Jeanne Lefrique, l'unique femme de sa vie.
Les deux amoureux se sont rencontrés alors que Bourvil n'avait que 19 ans. Il jouait de l'accordéon et du cornet à piston dans la fanfare de Fontaine-le-Dun, commune de Seine-Maritime, à une dizaine de kilomètres de Prétot-Vicquemare, où il est né. Elle était la fille d'un contremaître de la sucrerie du village. Le coup de foudre fut immédiat, mais quelque peu contrarié par les ambitions du jeune saltimbanque...
Désireux de suivre la trace de son idole, Fernandel, il quitte la Normandie pour Paris. Contre toute attente, les sentiments résistent à la distance, et en 1943, ils se marient. Dix ans plus tard, alors que Bourvil a déjà plusieurs films à son actif, ils sont parents de deux enfants et partagent leur vie entre Paris et Montainville, joli village des Yvelines où ils ont une maison de campagne.
Rarement situation familiale aura autant fait mentir l'adage "Tel père, tel fils". Alors que les enfants de célébrités suivent souvent les traces de leurs parents, Dominique et Philippe se sont éloignés du milieu du show-business pour se lancer dans des activités sérieuses, à l'opposé des rôles comiques de leur père.
"C'était un père comme les autres," confiait Dominique à France Bleu il y a 4 ans. "C'est-à-dire qu'il essayait d'être le meilleur possible, de nous pousser à faire des études. Il nous a inculqué le goût du travail et le respect des autres."
Dans ce même entretien, le fils aîné expliquait avoir longtemps caché ses origines célèbres : "Il faut se construire une personnalité à côté pour être original sans renier ses origines. C'est un exercice qui est un peu plus difficile quand on a un père célèbre. Mais c'est toujours difficile de tracer sa voie, de faire sa vie." Dominique peut se targuer d'y être parvenu avec brio.
Le jeune homme a commencé par faire du droit avant de devenir avocat pénaliste, puis de bifurquer vers la politique. Engagé au Parti communiste, il rejoint ensuite le Parti socialiste et devient député de la Loire-Atlantique en 2007, un mandat qu'il occupe jusqu'en 2017. Il se spécialise dans les questions de justice, présidant même la prestigieuse commission des Lois en 2016.
Son frère Philippe n'est pas en reste. C'est une sommité dans son domaine : l'économie. Professeur de finance à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il y a dirigé le Master "Ingénierie Financière" et le Magistère de Finance. Diplômé d'HEC, docteur en sciences économiques, major du concours d'agrégation, il est également licencié en philosophie et auteur de plusieurs ouvrages de référence.
En 1993, il a créé l'un des premiers troisièmes cycles spécialisés en finance de haut de bilan, une véritable révolution dans le domaine. Outre sa carrière universitaire, Philippe est un auteur reconnu de plusieurs ouvrages de référence et fondateur d'une plateforme de conférences en ligne dédiée à l'ingénierie financière.
Orphelins de père dès leur jeune âge, Dominique et Philippe ont également perdu leur mère tôt. En 1985, Jeanne Lefrique meurt dans un accident de voiture en revenant du cimetière où elle avait visité la tombe de son mari.
Comme leur père, qui a continué à travailler jusqu'à la fin pour ne pas éveiller les soupçons des assureurs, ses fils ont bâti leur carrière à la sueur de leur front. Et ils ne peuvent pas se prévaloir d'avoir touché un immense héritage... Si leur notoriété n'a jamais égalé celle de Bourvil, leur réussite dans leurs domaines respectifs, n'a en rien manqué d'éclat.