Après avoir découvert samedi 17 mai au matin toute la riche substance du Saint Laurent de Bertrand Bonello, nous avons rencontré une partie de l'équipe du film, sur le toit de l'hôtel Marriott.
Confortablement installés, Jérémie Renier (Pierre Bergé dans le film), Amira Casar (Anne-Marie Munoz) et enfin Aymeline Valade (Betty Catroux) ont répondu à nos questions, évoquant Yves Saint Laurent et la force d'un personnage. Face à Gaspard Ulliel dans la peau du créateur, Jérémie Renier se retrouve dans le personnage complexe – et finalement très en retrait face à l'omniprésence d'Ulliel – de Pierre Bergé. Un rôle forcément attendu, d'autant que l'intéressé n'avait pas donné son aval pour le film, contrairement à celui de Jalil Lespert sorti au début de l'année 2014. "Je ne me suis pas vraiment posé la question, parce que c'était plutôt de l'ordre du film. Je n'ai pas l'impression qu'on dessert le personnage, c'est quelqu'un d'intelligent, qui doit faire tourner ses affaires, quelqu'un lié à un homme qu'il aime mais qui est difficile à gérer", commente l'acteur belge. Même idée pour Bertrand Bonello, en conférence de presse. "Ne pas avoir son aval, quelque part, ça nous a libéré des contraintes du biopic pour aller dans la liberté", assure-t-il, avant de tempérer : Mais je ne raconte rien dans le film qui ne soit pas de notoriété publique."
"Le mannequinat : du cinéma mais sans paroles"
Pour Amira Casar, son personnage à l'écran est également toujours vivant, en plus d'avoir fait partie du système YSL en tant que pierre angulaire. Pour l'actrice, "si j'interprète une personne qui a vécu, même si elle n'est plus là, je rentre inconsciemment dans une sorte d'empathie, parce qu'on ne veut pas décevoir la famille, les proches". Elle poursuit : "Et puis rentrer dans cette maison [celle d'Yves Saint Laurent], ca relève de quelque chose de fantomatique, on convoque quelque part les âmes pour nous aider dans ce voyage." Une dimension mystique qui amuse un Jérémie Renier un brin chambreur. Alors interrogé sur sa scène de nu face à Gaspard Ulliel, le comédien ne botte pas en touche. "J'ai grandi en faisant des films de nu, nous dit-il. C'est n'est pas une chose qui me gêne dans l'interprétation. J'avais fait Le Pornographe avec Bertrand, et il m'avait mis à poil au milieu des moutons. Donc là, c'était soft en fait."
A leurs côtés, Aymeline Valade fait office de débutante mais livre une prestation très intéressante. Mannequin de formation, Saint Laurent représente ses premiers pas au cinéma. Très sereine, la jeune blonde assure ne pas voir ce passage au septième art "comme un tremplin, mais plutôt une continuité, car le mannequinat c'est le cinéma mais sans paroles". La belle doit d'ailleurs une bonne partie de sa présence au casting au bon goût d'Amira Casar. Cette dernière nous explique : "J'ai rencontré Aymeline en Ecosse, elle était venue me parler de façon spontanée. En revenant ici, sachant que Bertrand Bonello cherchait une Betty Catroux, je la lui ai proposée. Ils se sont rencontrés et ça a fonctionné", se félicite-t-elle.
Un manque de poésie
Au-delà d'être à l'affiche d'un biopic ambitieux et auteuriste, les trois acteurs avouent être fascinés par le personnage d'Yves Saint Laurent. "Quand il dit 'j'habille la maîtresse, pas la femme', il y a quelque chose de dangereux chez YSL, de sombre, d'envoûtant, cette austérité mélangée à la sensualité, assure Amira Casar. J'aime aussi le fait qu'il ait réussi à faire rentrer le verbe dans la femme, comment il la montre." "Il n'a jamais diminué la femme", surenchérit-elle. Pour Aymeline Valade, top de formation, ce ne sont pas les créations du génie qui l'inspirent, mais plus "son autoportrait, parce qu'il le représente le mieux, une mise à nu brute". Pour elle, cette image illustre le fait qu'en "termes de création, Saint Laurent savait ce qu'il voulait".
Placée dans le monde de la mode pour sa première expérience ciné, Aymeline Valade livre néanmoins un constat bien terne de la mode d'aujourd'hui, qui "manque de poésie". "C'est trop du consumérisme, de la production de masse, sans finalité, affirme-t-elle. Il y a un vrai manque de personnalité. Les designers qui arrivent à vous transformer avec un vêtement sont rares maintenant."