"Accrochons-nous à nos rêves, car nous pouvons changer le monde par nos rêves, nous pouvons faire rire les gens, les faire pleurer. Nous pouvons changer leurs idées, leurs esprits. Et en changeant leurs esprits, nous pouvons changer le monde." Auréolé du Prix du Jury pour son bouleversant cinquième long métrage, Mommy, Xavier Dolan signait un discours qui allait s'inscrire dans l'histoire du Festival de Cannes. Attachant, sincère, rêveur et passionné, le cinéaste canadien lançait un appel à sa génération et se faisait, le temps de deux minutes, le porte-parole d'une jeunesse qui n'ose pas rêver.
À 26 ans, Xavier Dolan est aujourd'hui l'un des meilleurs cinéastes au monde. La critique l'adule, le public le plébiscite. En cinq longs métrages, il s'est affirmé en tant que réalisateur visionnaire, signant des portraits, de femmes comme d'hommes, bluffants et séduisants. Si le jeune homme est aujourd'hui à un tel niveau de reconnaissance, le Festival de Cannes et notamment son délégué général Thierry Frémaux n'y sont pas pour rien. L'intéressé ne s'en cachera pas au moment de recevoir son prix : "Merci à Thierry Frémaux d'avoir cru en mes films, et surtout d'avoir cru en moi, de m'avoir porté, de m'avoir confronté, de m'avoir protégé."
L'histoire commence naturellement en 2009, avec le premier long métrage de Dolan, J'ai tué ma mère. Sur la Croisette, les festivaliers n'ont d'yeux que pour ce jeune homme culotté de 19 ans à l'époque. Son film est présenté à la Quinzaine des réalisateurs et rencontre un vif succès (trois prix au palmarès, mais pas de Caméra d'or étonnamment). L'année suivante, le prodige canadien revient avec Les Amours imaginaires et concourt dans la catégorie Un certain regard.
En 2012, Xavier Dolan renforce un peu plus son lien avec Cannes. Cette fois-ci, il présente la fresque Laurence Anyways, l'histoire d'un homme qui révèle à sa compagne son désir de devenir une femme. Melvil Poupaud brille, Xavier Dolan est porté aux nues. Son film remportera la Queer Palm, un prix 100% LGBT que le Canadien n'ira pas chercher. Les mauvaises langues diront qu'il boude le fait de ne pas avoir été en sélection. Conséquence, son quatrième long, Tom à la ferme, ira à Venise.
Pas rancunier, Xavier Dolan revient en 2014 et fait enfin son entrée dans la Sélection officielle, en Compétition. Il remporte le Prix du jury alors que tout le monde le voyait déjà brandir le prix suprême. Palme d'or du coeur pour la critique, Dolan est au sommet. Mommy deviendra son plus grand succès à l'international (et plus d'un million d'entrées en salles).
Cette année, c'est sans film que le jeune homme foulera le pavé cannois, mais avec l'honneur de faire partie du jury de la compétition officielle présidé par les frères Coen. Une nouvelle récompense pour un cinéaste brillant dont on n'a pas fini de parler, mais pas seulement. En plus de ses obligations, Xavier Dolan va lancer en tant que "parrain" une compétition de courts-métrages baptisée #Viemagnifique, en partenariat avec I-D, une chaîne de Vice dédiée à la mode et à la vidéo, et Magnum. Le réalisateur-acteur-scénariste veut "être surpris" par ces jeunes, et prodiguer ses conseils, lui qui affirmait : "Je n'ai pas eu de main tendue quand j'ai commencé, mais j'aurai aimé."
Christopher Ramoné