Samedi soir, alors qu'il venait de remporter ex aequo le prix du jury du Festival de Cannes 2014, Xavier Dolan livrait un long mais bouleversant discours. Celui d'un jeune réalisateur porté par son ambition, ses rêves de gosse, de cinéma. Pour autant, ce long discours étonnant pour un tel prix a soulevé quelques questions. Le cinéaste québécois avait-il préparé ce très beau texte pour le cas où il aurait reçu la Palme d'or pour Mommy, le film coup de coeur de la 67e édition.
En conférence de presse, Xavier Dolan a reconnu dans ce prix ex aequo "un geste délibéré du jury, à cause du gouffre du temps qui sépare" son film et celui d'Adieu au langage, du vétéran Jean-Luc Godard. Mais le cadet de la compétition n'atténue guère davantage son ambition démesurée au contact du porte-drapeau encore vivant de la Nouvelle Vague. "Dans une mesure compatible à celle de mes rêves, je me disais que tout est possible", a confié l'autodidacte de 25 ans, laissant entendre qu'il pouvait être en droit de s'attendre à triompher avec une Palme d'or. Non sans prétention puisque la critique comme le public n'avaient pas caché leur désir de voir Dolan primé de la plus belle distinction. Avant d'ajouter : "C'est la tradition de venir dans l'ignorance. (...) Je ne sais pas si, avec autant d'imprudence, je peux dire que je suis déçu de ne pas avoir eu la Palme d'or. Mais ce prix du jury nous dit que le jury a reconnu ce film, l'a aimé et a voulu le célébrer, au milieu d'autres films admirables. Cette récompense me touche, me flatte énormément. Mais de manière compatible avec la démesure de mes rêves, oui... C'est ça, Cannes, c'est de rêver à tout. Il faut voir grand."
À propos de son discours, Xavier Dolan assure que "peut-être, c'était le mauvais prix pour élaborer autant sur la question". Mais le benjamin de ce Cannes 2014 s'est empressé de se justifier : "J'avais envie de m'adresser aux gens de mon âge, à ceux qui nourrissent des rêves et des ambitions. Ceux qui entendent tout le temps : arrête de rêver en couleurs. Je viens du Québec, ce n'est pas un scoop. Toute mon enfance, j'ai entendu : redescends sur terre, reste à ta place. Je pense à toutes les stars qui montent chercher leur prix aux Oscars qui racontent qu'elles viennent d'un tout petit village où les gens ont des grands rêves. Moi je venais d'un grand endroit ou les gens se conditionnent à rêver petit, pour une raison qui m'échappe. Si ce prix peut les inspirer, ces gens de chez moi, à aspirer à de grandes choses, ces choses qu'on mérite tous, tant mieux."