Il soufflait un vent de révolte sur les marches du Festival de Cannes à la nuit tombée hier soir, mercredi 9 mai 2018. Après la présentation du charmant Yomeddine, c'est le nouveau long métrage de Kirill Serebrennikov, Leto, qui était présenté. Le passage de l'équipe du film a été marqué des protestations.
Tout avait pourtant commencé par un défilé glamour typiquement cannois, emmené par une Shy'm resplendissante. Après avoir marqué la montée des marches lors de la soirée d'ouverture, la chanteuse a récidivé en optant pour une robe avec un top transparent laissant entrevoir subtilement sa poitrine, et une partie basse argentée et scintillante, fendue au milieu. Avant elle, une jeune invitée inconnue avait quant à elle tout dévoilé dans une robe très transparente qui ne cachait absolument rien.
Après la dose de sexy vint celle du politique. Deux hommes ont tout d'abord tenté de brandir un drap blanc sur lequel on pouvait lire en anglais : "Libérez Serebrennikov". Mais un agent de la sécurité des marches a vite mis fin à la démonstration de ces deux anonymes. Il n'a en revanche pas bronché lorsque Charles-Evrard Tchekhoff, Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo, Vladislav Opelyants et Ilya Stewart, l'équipe du film Leto (L'été), a monté les marches avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire le nom du cinéaste assigné à résidence en Russie et donc absent des festivités.
Producteurs et acteurs de ce long métrage retraçant le parcours d'une légende du rock soviétique, Viktor Tsoï, ont ensuite reçu des applaudissements nourris dans la salle du Grand Théâtre Lumière. Un siège, avec le nom du réalisateur épinglé, est resté vide durant cette projection qui s'est terminée, deux heures plus tard, par une standing ovation venue saluer ce film en noir et blanc ayant pour décor la scène rock underground du début des années 80 à Leningrad.
Pour rappel, Kirill Serebrennikov, directeur artistique du Centre Gogol (un théâtre contemporain moscovite réputé), avait été arrêté par la police en plein tournage de Leto, dont les chansons ont été la bande-son de la perestroïka, à la fin des années 1980. Le montage avait été achevé au domicile du cinéaste, où il est assigné à résidence.
Parallèlement à Leto, une autre équipe de film a monté les marches, celle de Rafiki (sélection Un Certain Regard). Sa réalisatrice, Wanuri Kahiu, aurait dû se targuer d'être la première femme à porter un film kenyan à Cannes. Mais voilà : derrière le glamour cannois, le retour au pays de la jeune femme pourrait lui coûter plusieurs années de prison car aux yeux des dirigeants kenyans, l'homosexualité (dont traite Rafiki) est illégale et peut être punie de quatorze années d'emprisonnement.