Une voix ineffablement capable d'enjouer la plus intense mélancolie en l'enveloppant de son voile suave, un style de dandy dandinant, tantôt clown triste, tantôt chien fou, une griffe musicale reconnaissable où science mélodique et appétit rythmique sont deux facettes d'une même pièce : Charlie Winston n'a eu besoin que d'une chanson, Like a hobo, pour imposer sa signature, indispensable, et que d'un album, Hobo, pour démontrer la palette de ses nuances.
"Bouillonnant, euphorique, culotté" : c'est ce qu'on doit attendre de la seconde livraison de l'Anglais, Running Still (à paraître le 21 novembre 2011), à en croire Emmanuel Marolle, journaliste musical au Parisien, qui en a eu la primeur et en prédit les promesses. Sur son blog, Zik Zag, celui-ci pèse ses mots et choisit ses qualificatifs, pour emballer ce cadeau très attendu du vagabond chapeauté à son public : "On craignait un artiste tétanisé par la pression du second album, bloqué par l'envie de ne pas se répéter. Mais Charlie Winston n'a peur de rien dans "Running Still", enregistrement toujours en mouvement, collection de chansons qui ne tiennent pas en place."
Et si le commun des mortels devra pour l'heure se contenter du single Hello Alone pour se faire une idée, il faut y entendre, selon Emmanuel Marolle, "le lien idéal entre le passé et le futur, le premier et le second album". Le fait est que ce premier morceau inédit de Charlie Winston, après deux années émaillées de bien jolies collaborations (Wax Tailor pour I own you, Emilie Simon pour The Ballad of the Big Machine, Nouvelle Vague pour So young so cold, ou encore sa participation au film Lullaby de Benoît Philippon, à l'écran et sur la bande originale, où l'on découvrait l'ample et passionné Secret Girl), sonne effectivement comme du bon vieux Charlie Winston revitalisé de quelques audaces. L'ensemble s'avère tout simplement... intense.
Paru le 27 septembre, Hello Alone était révélé la veille sur leparisien.fr, agrémenté d'une vidéo en studio (où l'on reconnaît l'excellent Medi de Medi and the Medicine Show à la batterie) pour laquelle, en préambule, l'artiste de 33 ans présentait le morceau en ces termes : "C'est quand vous vous retrouvez seul à nouveau, célibataire, et que vous avez ce sentiment partagé d'excitation, du fait de la liberté retrouvée, et de tristesse, du fait d'être seul. En fait, c'est un peu une manière d'accueillir le retour de la solitude. Un peu à la manière de Barbara, mais en moins triste, parce que là il s'agit d'accepter la solitude à bras ouverts."
La solitude, un terrain de jeu de prédilection de ce lonesome hobo, est mise en scène ici dans un petit rodéo très charnel de guitare acoustique, de section rythmique imparable (ligne de basse insatiable et entrée en matière clinquante de la batterie), de vibraphone, de cuivres et d'autres encore qui s'additionnent dans une belle emphase, une belle extase, jusqu'au grincement électrique final qui ponctue cette étreinte fougueuse du solitaire et de sa solitude. Une instrumentation touffue et brillante, une interprétation magistrale. Moins gavrochard que Hobo, moins fleur bleue que I Love your smile, pour lequel Audrey Tautou se prêtait au jeu d'un clip délicieusement désuet, plus sensible que In your Hands, Hello Alone amalgame avec bonheur les meilleurs ingrédients de Charlie Winston. De bon augure.
Guillaume Joffroy