
S'il existe un chemin direct vers les sommets hollywoodiens, Chloë Sevigny a pris soin de l'éviter. À 37 ans, cette actrice nommée aux Oscars et récompensée par un Golden Globe est devenue l'une des actrices hollywoodiennes les plus incroyables, à cheval entre le cinéma underground et les machines américaines, capable de tout pour l'amour de l'art et la vision d'un réalisateur.
Premiers pas, premier scandale
Une carrière à l'image d'un parcours improbable. Arrivée à New York à 18 ans, l'adolescente rebelle est repérée par un magazine de mode pour son look à part et attire bientôt tous les regards. Sur la scène underground, elle rencontre Harmony Korine et Larry Clark, scénariste et réalisateur inconnus qui préparent leur premier film, Kids (1995). Quelques jours avant le tournage, Chloë Sevigny remplace une actrice qui a abandonné le projet. Premiers pas devant une caméra. Et premier rôle marquant : une adolescente séropositive, figure parmi d'autres d'une génération désemparée. Dans la polémique de Kids, la jeune comédienne devient une star du cinéma indépendant.
En couple avec Harmony Korine, Chloë Sevigny le suit dans un autre film controversé, Gummo (1997), où elle est à la fois actrice et chef costumière. Après le polar Palmetto (1998) avec Woody Harrelson et Les Derniers Jours du disco (1998) avec Kate Beckinsale, elle décroche un rôle dans Boys Don't Cry de Kimberley Peirce (1999). Dans l'ombre d'Hilary Swank, Chloë Sevigny est nommée aux Oscars comme meilleur second rôle.
Inclassable
Les portes d'Hollywood s'ouvrent mais elle ne cède pas. De retour dans le premier film de Harmony Korine derrière la caméra, Julien Donkey-Boy (1999), Chloë Sevigny ne s'enferme dans aucune case : Une carte du monde (1999) avec Sigourney Weaver, American Psycho (2000) avec Christian Bale, Demonlover (2002) d'Olivier Assayas ou Dogville (2003) de Lars von Trier. Entre-temps, elle refuse un salaire conséquent pour un petit rôle dans La Revanche d'une blonde (2001) avec Reese Witherspoon.
En 2003, elle entre dans l'histoire des scandales du Festival de Cannes avec Vincent Gallo et son film The Brown Bunny, l'histoire d'un homme hanté par celle qu'il aime. En couple avec l'acteur et réalisateur, elle marque les esprits avec une scène de fellation non simulée. Le film est décrit comme le pire de l'histoire cannoise - un lieu commun des critiques enragées - mais devient un objet culte du cinéma underground.
Sans limites ?
Impossible à saisir, la carrière de Chloë Sevigny continue de surprendre. Aux films de Woody Allen (Melinda et Melinda, 2004), Jim Jarmusch (Broken Flowers, 2005) et David Fincher (Zodiac, 2007) succèdent de purs produits du cinéma indépendant, souvent boudés par la critique. La stabilité viendra du petit écran avec la série Big Love, qui raconte l'histoire d'un mormon et ses trois épouses. Un rôle décalé qui lui vaut un Golden Globe en 2010.
Depuis l'arrêt de la série l'année dernière, Chloë Sevigny continue son chemin au cinéma. Mais avant le biopic Lovelace avec Amanda Seyfried et Sharon Stone, elle reviendra à la télévision dans le téléfilm Hit and Miss, qui raconte l'histoire d'un tueur en série transsexuel qui découvre l'existence de son fils. De quoi se demander si la comédienne a peur de quoi que ce soit.
Geoffrey Crété