Christophe Lemaitre : Souffre-douleur, il en a ''pris plein la gueule''

Christophe Lemaitre, nouvelle étoile du sprint français, est un jeune homme discret. Trop, diront certains.

Mais derrière cette carapace, le triple champion d'Europe cache une personnalité touchante et attachante. Encore faut-il réussir à passer cette carapace que le jeune homme originaire de Culoz, à quelques kilomètres d'Aix-les-Bains où il a été accueilli en héros, s'est constitué depuis l'enfance.

Un exploit réussi par l'hebdomadaire L'Equipe Mag, qui aura au bout de trois jours réussi à obtenir les confessions d'un accro des réseaux sociaux et de Facebook en particulier. Toujours dans son monde, dans sa bulle, Christophe Lemaitre extériorise peu. Discret, parfois effacé, il se comporte à 21 ans comme un petit garçon qui aurait peur du monde extérieur. Une situation qui remonte à son enfance au pays savoyard. "C'est depuis tout petit. Quand j'étais plus jeune, j'aurais aimé dire ou faire des choses, mais je n'ai jamais pu. J'étais tellement timide que j'étais incapable de dire ce que je pensais. Je ne parlais pas avec beaucoup de monde, alors je me suis fait comme ça, naturellement", confie-t-il sans pour autant quitter l'écran de son ordinateur.

Une solitude dont il s'accomode volontiers, seule sa compagne Sophie partageant sa vie du quotidien. "Je suis très bien comme ça, je ne me le reproche pas", répond-il lorsqu'on lui demande s'il ne voudrait pas guérir de cette timidité maladive qui le pousse à marcher la tête basse dans la rue, lui, le petit Français de 21 ans qui s'est attiré les éloges du Roi Usain Bolt.

Cette timidité, Christophe Lemaitre en a fait une force, comme il l'explique lui-même, avec le regard froid du sportif sûr de sa valeur : "Ce sont souvent les plus timides qui ont le meilleur mental. Les timides, ils en ont tellement pris plein la gueule qu'ils ressortent tout en compétition." Car oui, le mot est lâché, le sprinteur en a pris "plein la gueule" lorsqu'il fréquentait l'école primaire et le collège à Culoz. "Comme je ne parlais pas, j'étais une proie facile pour les autres. Je me suis fait marcher sur les pieds. On se foutait de ma gueule, j'étais le souffre-douleur", confie-t-il. Et comme tout bon souffre-douleur qui se respecte, les autres "inventaient parfois des trucs sur lui" et il "était dans les derniers à être pris".

S'il reconnaît que "c'était dur", il avoue à demi-mot qu'il en pleurait et qu'il déprimait de ces brimades. Pour autant, le garçon ne s'est jamais montré violent, intériorisant cette rage qui le pousse aujourd'hui sur les pistes d'athlétisme. Animé par un certain sentiment de revanche, il n'éprouve cependant aucune colère à l'encontre des ses anciens bourreaux, même lorsqu'il les croise dans la rue : "Ils me disent : 'c'est cool ce que tu fais.' Je dis merci, mais je ne pense rien d'eux."

Ces 100 mètres qu'il avale en 9 s 92 restent aujourd'hui l'endroit où il se sent le plus à l'aise, où tout est possible pour lui : "Quand je me faisais insulter, je n'avais pas les armes pour répondre. Sur la piste, je joue avec les mêmes armes que les autres, et je me dis : 'Je vais vous en foutre plein la gueule'."