Il fallait décrypter l'artwork du single comme un indice valable : pour accompagner Every teardrop is a waterfall, nouveau single d'un cinquième album studio attendu pour l'automne, Coldplay a tapé dans le Technicolor exacerbé.
Si le morceau se déverse en une cascade d'effets pop mis en scène par une production confirmant la dimension "arena pop" que semble privilégier le groupe dans le sillage de l'hymne Viva la Vida, c'est un déluge visuel de projections de peinture qui macule le clip tourné les 14 et 15 juin dernier.
Difficile de ne pas penser au maître du graff et génie de l'aphorisme graphique subversif, Banksy, en observant cette empilement de pochoirs, de graffitis et d'aplats citadins sur des surfaces moroses et défraîchies. Occasionnellement taxé de plagiaire concernant ses compositions musicales, Coldplay prend le risque de subir le même sort en récupérant quelques effets reconnaissables, tel le filet de peinture qui traverse le décor urbain comme un fil d'Ariane, une invention édifiante de Banksy. Heureusement pour Chris Martin et ses compères, l'inspiration est de bon ton (si on fait abstraction des pochoirs enfantins - croches et coeurs - qui réinstallent la facette fédératrice degré zéro du groupe), la récupération généreuse, et, servi par une mise en scène en stop motion galvanisante, le tout offre un résultat très probant. On regretterait presque le basculement de la vidéo en mode fluo, sous une lumière bleue révélatrice empruntée aux Experts. Une pub BASF puissance mille !
Voilà qui nous réconcilie (un peu) avec le Coldplay nouveau et son goût pour un son mainstream d'une efficacité qui rime avec facilité. Reprenant quasiment à l'identique le beat de marche triomphale et cosmique de Viva la Vida, baigné de synthpop et noyant la voix du frontman dans la réverb' et le chorus, Every teardrop is a waterfall, réalisé toujours sous la houlette de Brian Eno et samplant en toute transparence I go to Rio popularisé en France par Claude François, ne manque pas d'atouts - ligne mélodique soignée et catchy, paroles volontiers évasives mais stimulant l'imaginaire et véhiculant de grandes émotions, superbes passages presque obligés en voix de tête. Mais on attend d'un groupe jadis révolutionnaire et toujours brillant sur scène (dernière démonstration en date à Glastonbury) un peu plus que des chansons radio-friendly et crowd-friendly.
G.J.