Moins de 10 ans après la parution de son premier album, Just a little more love, David Guetta a relevé le challenge qu'il s'était imposé et poursuivait très ouvertement (au risque de heurter la sensibilité de ses adeptes français) sur la fin de la première décennie du XXIe siècle : conquérir les Etats-Unis.
Si Pop Life, son 3e album paru en 2007, combiné au succès des ses soirées (et notamment le concept F**k me I'm famous), commence à l'installer sur la scène internationale, il doit à One Love, sorti en 2009 et émaillé des contributions de guests de prestige (Kelly Rowland, Will.i.am, Estelle, Kid Cudi, Akon...), mais aussi aux trois tracks qu'il produisit sur The E.N.D. des Black Eyed Peas, plus gros succès discographique de 2009, d'être définitivement devenu une star outre-Atlantique.
Artistes et labels ne sont pas dupes : après l'apothéose commerciale des Peas (dans laquelle le I Gotta Feeling signé du DJ français n'est pas pour peu) et après sa consécration mondiale en tant que producteur de musique lors des World Music Awards, Guetta croule sous les propositions de maisons de disques transies de convoitise. Dernièrement, il a accepté de s'associer au rappeur Flo Rida pour Club can't handle me, un morceau dans la veine de... I Gotta Feeling qui sert de premier single à son interprète et de générique au film Sexy Dance 3. Les nouvelles productions d'Akon, Kelly Rowland, Britney Spears et Kelis ont notamment reçu son apport.
Mais l'avènement et l'hégémonie galopante du Guetta-system n'ont pas que des partisans : si l'intéressé se gargarise, avec la même sempiternelle mèche et le même sempiternel air benêt, d'être number one, ses détracteurs auraient tendance à être de moins en moins discrets. Et pour cause, Guetta est devenu omniprésent, ne connaît pas de frontières et est capable de s'emparer de tout.
Le week-end dernier, le quotidien Libération cristallisait les ondes négatives générées par le Guettablaster dans sa croustillante galerie d'anti-portraits. Un véritable pamphlet de résistance dans la série des portraits-caricatures salvateurs et jouissif, le portrait "il/elle m'énerve", initiés cet été. Libé en avait ainsi expliqué le concept :
""Il/elle m'énerve", des portraits au lance-flammes
Comme l'été est supposé être le temps de toutes les transgressions, le moment est venu de prendre à revers cette charmante institution qu'est devenue la page Portraits, qui d'ailleurs se verra consacrer un mémorial sous forme de livre-compil dès cet automne.
D'ordinaire, voici la manière dont sont traités nos "croqués" de "der" : rencontre obligée, instruction à charge et à décharge, enquête de voisinage. Et, comme la matière humaine possède une forte charge explosive, un maniement précautionneux des intériorités mises en lumière est recommandé.
Ce mois d'août, nous avons décidé de casser les codes. La caricature remplace la nuance. Amours déçues ou exécrations maintenues, il s'agit de portraits-charge de personnages très connus dont les façons de faire, les roueries et les hypocrisies ont fini par nous faire monter la moutarde au nez. Injustice irritée et démangeaison irascible ont droit de cité. Et comme c'est une prise de position très personnelle, pour une fois, le journaliste s'autorise à dire "je".
Donc, pas de rencontre, afin d'éviter de constater que tout le monde a ses raisons. Et un dézingage à la sulfateuse que devraient pouvoir supporter nos cibles énervantes, vu leur couenne de mammouth.
Il aurait été simple de classer dans la liste des "Il/ Elle m'énerve" Nicolas Sarkozy, Eric Besson ou Michel Sardou, sans parler de Jean-Marie Le Pen.
On a choisi de désaxer la ruade. Et de mêler coups de sabots contre ceux qui affichent une proximité faussée, et enfonçages de portes ouvertes toujours bonnes à dégonder.
A vous de voir si on les a bien descendus."
La sulfateuse a bien chauffé et craché ses Valda, concernant le cas Guetta, "l'autre avec sa tronche de Brice de Nice" et ses "refrains couillons" : Famousse, s'intitule l'exercice, signé d'une Stéphanie Binet délicieusement fumasse. Un gros coup de napalm sur les platines, du karcher dans le sourire niais, du marteau-piqueur pour achever le casque Sennheiser. Florilège ci-dessous - nous ne saurions trop vous recommander de lire dans son intégralité, sur libération.fr, ce point de vue 100% franc du collier - cliquez ici.
"Au début, je m'en foutais, de David Guetta, mais comme je me fous du Top albums ou de la playlist de Skyrock. La vraie musique est ailleurs, et si la bouillie sonore du "DJ français le plus connu au monde", dixit la presse hexagonale, permet à des milliers de vacanciers d'Ibiza d'oublier leurs heures de bureau en s'enfilant des vodkas-Red Bull, pourquoi pas ? (...)
Seulement voilà, depuis un an, l'autre avec sa tronche de Brice de Nice, il commence à sérieusement me taper sur les nerfs. Il me "bousille" mon rap américain. (...)
Printemps 2009, premier choc. Dans un studio de Santa Monica, Will.I.Am, leader des Black Eyed Peas, fait écouter leur dernier album The E.N.D. Je ne digère pas bien : "Beurk, c'est quoi ce truc,I Got a Feeling ? Ce générique d'émission de télé-réalité avec ce refrain couillon : "Je crois que ce soir je vais passer une bonne soirée"." J'interroge, interloquée, celui que je considérais alors comme mon chouchou : "Qu'est-ce qu'il t'arrive, Will ? Il est passé où, le producteur des rappeurs les plus hardcore ? (...) Alors, il lâche l'info, tout fier : "C'est David Guetta qui a composé la musique, you know him, he's French." Comment lui expliquer qu'en France, David Guetta est synonyme de mauvais goût, de mauvaise house, même pas apprécié par ses collègues de la French Touch ?
Trois mois plus tard, l'album ne quitte pas le haut des charts, et I Got a Feeling est un tube planétaire. Guetta, c'est comme la console de jeux vidéo Sega, c'est plus fort que toi. Will.I.Am a passé le numéro de son nouveau pote à tout le monde : Akon, Kid Cudi, Ne-Yo, Estelle, Flo Rida, Rihanna... Même Kelis, considérée jusque-là comme la plus anticonformiste des chanteuses r'n'b, a craqué (...)
Depuis quatorze mois, et je les ai comptés, je mange de "l'electro-hop". Ce serait "la rencontre entre les musiques électroniques et les musiques urbaines américaines", selon le blondinet qui le répète à l'envi. Comme si le hip-hop l'avait attendu pour aller fricoter avec l'electro. Afrika Bambaataa et les Allemands de Kraftwerk pondaient déjà Planet Rock alors qu'il savait à peine mettre un disque sur une platine.
J'aime pas, j'aime pas, j'aime pas et ça ne s'est pas arrangé en tentant de comprendre ce qui m'avait échappé (...) Cathy Guetta (...) a réinventé dans les discothèques la lutte des classes. Le petit peuple dans la fosse, les VIP dans un carré, un petit enclos où si tu ne paies pas ta bouteille au prix fort, c'est comme si tu n'avais pas une Rolex à 50 ans. La lose. (...)
Après avoir dirigé plusieurs clubs (...), le DJ a revendu ses parts pour se consacrer à la musique. Cathy s'est mise à organiser les soirées Fuck Me I'm Famous ! (Fmif, "Baise moi, je suis célèbre !"), et c'est là que nous avons commencé à nous faire baiser. Dans certaines soirées, plutôt que de se faire payer, Guetta demande le droit de ne passer que ses propres disques. Il remporte un premier succès avec Love Don't Let Me Go (...) Lui voyage en jet privé pour ses prestations de DJ dans le monde à 35 000 euros le cachet, pendant que Cathy se prépare à lancer sa ligne d'accessoires à l'effigie de Titi (si, si, celui de Grosminet) et organise les soirées Fmif. Lors de la dernière, en juin, au Zénith de Paris, la bière était vendue 20 euros pour le petit peuple et 10 dans le carré VIP, dixit ma copine qui a trouvé "les danseuses trop chaudes". Ils devraient rebaptiser leurs soirées : "Je suis célèbre et je vous baise." En attendant, qu'ils nous laissent kiffer notre bière à 3,50 euros et notre rap sans y injecter leur bouillie sonore."
G.J.