Le 13 juillet 2013, Florian Cazenave, jeune espoir du rugby français, perdait son oeil gauche dans un accident domestique. Dix mois après, le rugbyman espérait bien fouler de nouveau les pelouses du Top 14. Mais la Fédération Française de Rugby (FFR) en a décidé autrement.
Dramatique accident
Une nuit de juillet 2013, en bon Catalan qu'il est, Florian Cazenave, 24 ans aujourd'hui, célèbre la féria de Céret. Mais en chahutant avec ses amis, le jeune homme chute et sa tête touche un pied de chaise... "Ça n'a rien à voir avec une rixe, précise à l'époque Jean-Pierre Piquemal, l'adjoint au maire de Céret en charge de la sécurité. C'est l'accident stupide." Son club de l'USAP, l'Union Sportive Arlequins Perpignan-Roussillon, évoque elle un "accident domestique". Le lendemain, et devant la gravité de la blessure, Florian Cazenave est opéré en urgence. Le verdict tombe, lapidaire : son oeil gauche est perdu.
Le début d'un long calvaire pour le demi de mêlée de l'USAP. "Il a fallu que je guérisse et que je réapprenne à voir. J'ai beaucoup travaillé et, aujourd'hui, j'ai récupéré la profondeur (la 3D), mes réflexes et j'appréhende le ballon comme quand j'avais deux yeux", raconte, plein d'espoir le joueur à L'Équipe dans son édition du 29 avril dernier. Comment a-t-il réussi l'impensable ? En travaillant avec un professeur canadien, qui détient un laboratoire de psychophysique et de perception visuelle... "C'est presque miraculeux", reconnaît-il, ajoutant : "En fait, j'ai réappris à voir comme à jouer."
L'espoir
Ne manquait plus que les autorisations pour rechausser les crampons et revenir dans le monde de l'Ovalie. Mais Florian Cazenave va recevoir une première claque lorsque la médecine du travail le déclare inapte à la pratique du rugby fin janvier. Il fait alors appel, rencontre l'inspection du travail et finit par obtenir le précieux sésame, sa "première bonne nouvelle depuis huit mois". Reste le plus compliqué, la FFR. Car le règlement est très strict. La perte d'un organe paire interdit la pratique du rugby...
Pourtant Florian Cazenave croit connaître la feinte qui lui permettra de jouer au plus haut niveau : le protocole de port de lunettes de protection mis en place par l'IRB, l'International Rugby Board. Demande est faite par l'USAP à la FFR d'une licence pour son joueur.
La fin d'un rêve
Malheureusement pour le jeune homme, le couperet tombe, le 6 mai dernier. "Le règlement de la FFR est très clair : quand on a perdu un organe bilatéral, il y a une contre-indication formelle à la pratique du rugby. Il est donc impossible que Florian Cazenave rejoue en France, que ce soit en Top 14 ou en 4e série, puisqu'il ne peut pas obtenir de licence", indique le président du Comité médical de la FFR, Jean-Claude Peyrin. Et d'expliquer sa décision, terrible de conséquences pour le jeune homme : "Il y a une confusion autour de ces lunettes qui ne protègent pas en cas de traumatisme. Elles sont adaptées pour des enfants ou des gens qui ne peuvent pas utiliser de lentilles. De plus, si on s'engageait dans cette expérience, il aurait fallu l'accord de notre assureur. Or, tout litige lié à cette expérimentation devrait se régler, pour des raisons légales, devant les tribunaux anglais, ce qui compliquerait la chose."
Pour Florian Cazenave, la décision est dure à encaisser. Une seconde blessure pour le demi de mêlée de l'USAP, qui ne baisse pas pour autant les bras, d'autant plus que le responsable à l'IRB du protocole des lunettes qui lui permettrait de jouer l'a "assuré et rassuré" sur le fait qu'il entrait parfaitement dans les critères définis par celui-ci.
"Aujourd'hui, je suis d'autant plus motivé que je sais qui je dois convaincre et ce qui coince, affirme-t-il dans les colonnes de L'Équipe. Avec mon avocat, nous allons tout faire pour que la FFR comprenne et accepte de revoir ses préjugés." Un combat que n'abandonnera pas Florian Cazenave : "Le rugby, c'est toute ma vie et j'ai tout fais, je fais encore tout pour pouvoir continuer de jouer. Ce qui me blesse le plus, c'est qu'on ne me donne pas ma chance alors que j'en suis capable. (...) Moi, je sais que je peux le faire."