19 décembre 2009. Gareth Thomas, marié, capitaine de l'équipe nationale de rugby galloise, champion de France et d'Europe avec le Stade Toulousain, fait son coming out. Depuis trop longtemps, l'arrière se ment et ment aux autres. Oui, il est homosexuel, et oui, il va vivre en tant que tel. Des années après, dans une seconde autobiographie, Fier, il dit sa vérité, un mot qui revient sans cesse dans la bouche de ce colosse surnommé Alfie.
Une partie de moi voulait mourir
En faisant son coming out, Gareth Thomas est devenu le premier joueur de rugby pro ouvertement homosexuel. Et pas n'importe lequel, puisqu'avec 100 sélections avec le XV du Poireau et des trophées à la pelle, le Gallois est une figure emblématique de l'Ovalie. Dans une seconde autobiographie écrite avec son ami journaliste Michael Calvin et intitulée Fier, l'homme revient sur ses années passées à se mentir, de son enfance passée à Sarn à son mariage avec Jemma. "Il m'a poussé à la limite, c'était horrible, raconte-t-il au JDD à propos de l'élaboration de Fier. Il m'a emmené là où les scènes cruciales de ma vie se sont passées, j'y ai retrouvé les émotions qui m'ont fait toucher le fond."
Et notamment ses tentatives de suicide. Deux en 2006. La première, dans la piscine de sa demeure à Toulouse, de l'alcool plein le sang. Et l'autre sur une côte du Pays de Galles, seul face à l'océan durant 20 minutes. "Quelque chose m'a arrêté. La vie est si précieuse et la mort si facile. J'ai vécu ma vie en combattant. Là, c'était trop simple", raconte-t-il encore dans les colonnes du JDD. Pour l'arrière international, cet épisode n'a rien d'un appel à l'aide. Et pour cause. "Il n'y avait personne pour m'arrêter", explique-t-il à L'Equipe : "Une partie de moi voulait mourir, mais je n'y étais pas prêt car une plus grande partie de moi voulait encore vivre." Il invoque un besoin de se sentir en danger "pour comprendre comment on se sent quand on est sur le point de mourir, pour avoir une plus grande envie de continuer à vivre".
La même année, il est victime d'un infarctus, trois jours après la troisième fausse couche de son épouse. "J'étais convaincu que tout était ma faute", poursuit-il dans le JDD. Il lui faudra encore plusieurs années avant de révéler la vérité à son épouse, aujourd'hui remariée et maman d'un enfant. "Jemma a lu le livre avant sa parution et l'a approuvé, confie-t-il dans L'Equipe. Je suis heureux pour elle, elle est heureuse pour moi. Nous avons d'excellents rapports. On aura toujours notre histoire en commun."
Pour TF1, dans l'émission Sept à huit du 6 septembre, Gareth Thomas s'ouvrait sur cette histoire d'amour avec Jemma : "C'était une couverture. J'ai eu de l'amour pour elle, c'est pour ça que je suis resté, cette personne merveilleuse m'a tellement apporté. Mais au bout d'un moment, après plusieurs années à fréquenter des clubs gays en cachette, mentir était devenu invivable. Je ne pouvais plus continuer à fuir, je ne pouvais plus lui dire 'je t'aime' en la regardant dans les yeux. J'ai essayé d'avoir des enfants avec elle... Puis, un jour, d'un coup, je l'ai appelée pour lui annoncer que j'étais gay. Elle a fondu en larmes et m'a demandé de le répéter encore et encore, elle ne pouvait pas y croire. Plus tard, elle m'a remercié pour mon honnêteté, parce qu'elle a pu suivre son chemin et refaire sa vie, à 35 ans."
J'avais le devoir de dire la vérité
A la question du pourquoi d'un tel ouvrage, Gareth Thomas évoque "un message" à faire passer, "une vérité" à rétablir, lui qui avait sorti une première autobiographie avant son coming out. "J'avais le devoir de dire la vérité et pas seulement au travers de ma carrière de joueur. Car certains ont trouvé dans mon histoire le courage de se révéler, et j'ai compris que vous pouvez affecter la vie des gens, pour le meilleur (...) La force de pouvoir influencer la trajectoire de quelqu'un d'autre est sans commune mesure avec le sport", analyse-t-il dans L'Équipe, tout en assurant "ne pas être un activiste de la cause homosexuelle" dans le JDD. "Je veux juste être moi-même. C'est la seule façon d'être heureux", assure-t-il, lui qui vit avec son compagnon et leurs deux chiens dans une ferme au Pays de Galles, et partage son temps entre ses interventions dans les écoles et son rôle de consultant pour la télé.
Pourquoi ce titre, Fier ? "Parce que je suis à la fin de mon parcours, répond Gareth Thomas dans L'Équipe. Quand je regarde derrière moi, il y a plein de choses dont je ne suis pas fier, mais je suis fier d'en parler, d'assumer." De quoi rendre l'ancien rugbyman plus heureux que jamais : "Je ne voudrais être personne d'autre sur cette planète car je suis moi."
Ce qui n'a pas toujours été le cas, lui qui a "compris" à l'âge de 14 ans qu'il était homo. Une attirance qu'il a toujours dissimulée dans le monde de l'Ovalie, et notamment à ses partenaires de Bridgend, son premier club de rugby, agissant par mimétisme pour se fondre dans la masse, allant jusqu'à frapper un spectateur qui l'avait traité de "pédé" pour paraître plus hétéro qu'un hétéro. "A l'entraînement, il y avait plus de chances de voir débarquer un extraterrestre de la planète Zorg qu'un gars ouvertement gay", écrit-il dans Fier en évoquant Bridgend.
"Je ne faisais pas confiance, en tout cas pas assez, aux personnes qui évoluent dans ce sport, dit-il pour expliquer sa surprise face aux réactions positives du monde du rugby suite à son coming out. J'avais peur de leurs réactions. Peur qu'ils ne me respectent pas." Dans Sept à huit, Gareth Thomas revient sur "ces pulsions homosexuelles" et le rapport "très intime" qu'il peut y avoir dans un vestiaire entre joueurs : "C'est vrai que ce sport peut-être considéré comme assez sexy pour les homos, avec les douches, les vestiaires... Mais pour moi, le rugby c'était ma profession. Je n'ai jamais franchi cette frontière entre activité professionnelle et pulsions. Mes coéquipiers, c'était ma famille, des frères. Et il n'y a pas d'attraction sexuelle entre frères."
A travers son livre et son histoire, Gareth Thomas espère ainsi aider de nombreuses personnes à suivre son chemin. Outre-Manche, Tom Daley, le célèbre plongeur, avait trouvé conseil auprès de lui avant de faire son coming out. Il loue le courage de Michael Sam, le premier joueur NFL ouvertement gay. Et espère ainsi qu'à l'avenir, le mensonge ne fera plus partie de la vie des homosexuels...
Gareth Thomas, Fier, aux éditions Michel Lafon et dans les pages de L'Équipe du 7 septembre, du JDD du 6 septembre et dans l'émission Sept à huit de TF1 du 6 septembre 2015