À quelques semaines de la sortie de son autobiographie, intitulée Femme, le 28 novembre chez Flammarion, le mannequin – et désormais actrice – Inès Rau était l'invitée de Lauren Bastide au micro de La Poudre.
Dans ce podcast féministe incontournable, le top model trans français revient sur sa carrière. À 28 ans, elle peut se targuer d'avoir été la première femme trans à poser dans l'édition américaine de Playboy, d'avoir tenu le rôle de Marcia dans l'adaptation du roman Vernon Subutex et d'avoir été l'égérie de Balmain.
Mais la route du succès a été semée d'embûches. Née garçon dans la banlieue de Nancy, elle développe des relations complexes avec sa famille à qui elle n'en veut pas aujourd'hui. "On peut ne pas recevoir d'affection, mais recevoir de l'amour, confie-t-elle à Lauren Bastide. Parce que ma mère m'a toujours donné beaucoup d'amour et de protection, mais elle ne connaissait pas les codes de l'affection qu'elle n'avait pas reçus."
D'ailleurs Inès – un prénom hommage à sa grand-mère – considère s'être inventée : "Je me suis donné cette magie, cette liberté, je me la suis offerte, je me suis fait ce cadeau." Cette naissance arrive quand elle vient s'installer à Paris. Précaire, elle danse la nuit à Pigalle. Au contact des drag queens, elle apprend à apprivoiser sa féminité. La vie est dure, elle envisage de se prostituer. Une expérience qui l'a marquée. "Les expériences, c'est vraiment pour moi le plus beau cadeau de la vie. J'avais déjà conscience sur ce trottoir, porte Dauphine, à 17 ans avec ma copine drag queen, avec les voitures qui passaient qui nous regardaient, de l'incroyabilité de ce qui se passait. Et donc j'étais aux anges."
Puis elle entame sa transition, très lucide sur sa situation. Elle s'explique : "Je ne pense pas être née dans le mauvais corps. Je pense être née avec le sexe qui ne correspondait pas à la personne que j'étais." Les contrats de mannequins s'enchaînent, elle tait son histoire. Ce n'est qu'en 2017, quand Playboy fait d'elle la première playmate transgenre, qu'elle s'exprime sur son genre assigné à la naissance : la surprise est totale. Une prise de position forte pour le magazine et un véritable coming out pour Inès.
Très fière de son identité, elle se considère comme son "oeuvre d'art", mais refuse qu'on fasse d'elle un étendard. Pour Inès, il ne faut pas prendre la transidentité à la légère, alors elle prend le temps de l'expliquer et de répondre aux questions, même les plus intimes. "Il était très important pour moi aussi que les gens comprennent que ce n'est pas une opération esthétique : c'est une réassignation, c'est une transformation, c'est beaucoup plus sublime", explique-t-elle dans l'émission. "Très fière", elle est ravie de "pouvoir aider, mais ne veut pas qu'on [la] force à être militante". "Je n'ai pas envie qu'on m'utilise dans quelque chose qui pourrait être un phénomène de mode, parce que c'est trop fou, trop important et trop dingue pour que ce soit quelque chose qu'on prenne autant à la légère", conclut-elle fermement.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'en faisant entendre sa voix, Inès Rau ouvre la voie.