Ingrid Betancourt avait obligé son époux Juan Carlos Lecompte à tourner la page de leur histoire d'amour, consacrée par un mariage en 1997, en demandant rapidement, six mois après sa libération des mains des Farc le 2 juillet 2008, le divorce. Et la justice, dans une procédure âpre, est en train d'aider le mari éconduit à faire son deuil.
Suite à la requête déposée en septembre 2010 par l'avocat de Juan Carlos Lecompte, Heli Abel Torrado, un juge colombien a ordonné mercredi 21 février 2011 le gel et la saisie des avoirs de l'ex-otage franco-colombienne. Me Torrado avait demandé le gel et la saisie des avoirs d'Ingrid Betancourt, incluant les droits de ses mémoires - "sa vérité" - Même le silence a une fin parus chez Gallimard en septembre 2010, en Colombie mais aussi à l'étranger, avec pour objectif "qu'ils ne puissent pas être aliénés ni hypothéqués". "Quand on arrivera à l'étape de liquidation, a ajouté l'avocat, on fera l'évaluation et la répartition des biens à 50%", précisant qu'Ingrid Betancourt, au moment de son mariage en secondes noces avec Juan Carlos Lecompte (de sa première union, avec le Français Fabrice Delloye, sont nés ses deux enfants, Mélanie et Lorenzo), avait "seulement exclu un appartement qu'elle possédait aupravant à Bogota", tout le reste tombant "sous le régime de la communauté des biens".
On imagine que le divorce ne se fera pas sans froideur ni rancoeur, après le traitement réservé par l'ancienne sénatrice colombienne à son époux lors de son retour à Bogota après plus de six années de captivité durant lesquelles il n'avait cessé d'appeler à sa libération. D'ailleurs, lorsque, en septembre 2010, après une longue retraite médiatique, Ingrid Betancourt publiait son copieux témoignage - Même le silence a une fin, environ 700 pages - sur son calvaire aux mains des guérilleros des Farc, son mari, Juan Carlos Lecompte, l'avait précédée de plusieurs mois pour relater le sien.
Dans Ingrid et moi, une liberté douce-amère, pavé d'amertume d'un époux bafoué que M. Lecompte publia en janvier 2010, il revenait sur le terrible camouflet affectif reçu quand, après des années passées à militer pour la libération de sa femme, prisonnière dans la jungle colombienne, cette dernière le snobait glacialement dès son arrivée sur le tarmac de Bogota, délivrée, le 2 juillet 2008 : "Quand elle est descendue de l'avion, elle m'a juste tapoté la joue et dit "Quoi de neuf, Juanqui ?" J'avais tout imaginé, mais pas ça..." Dans la foulée, c'est sans lui qu'elle s'était envolée pour Paris. Six mois plus tard, elle demandait le divorce.
Blessé de l'absence totale et inexplicable de gratitude à son égard quand d'autres moins méritants ont reçu les louanges la martyre, effondré de n'être plus aimé et ainsi repoussé sans ménagement, Juan Carlos Lecompte avouait ne plus reconnaître sa femme. Une sinistre métamorphose qui faisait en outre écho aux autres portraits accablants des compagnons d'infortune de l'ex-otage, et que M. Lecompte imputait à la guérilla marxiste des Farc.
Dans son ouvrage, Juan Carlos Lecompte se remémorait également l'obsession d'Ingrid Betancourt par rapport à l'argent (en 2010, elle fit scandale en demandant une indemnisation colossale au gouvernement colombien) et à leur divorce :
"Quand j'y repense, nous avons beaucoup, même essentiellement, parlé de choses matérielles pendant ce mois de juillet [2008]. Ingrid était en boucle sur l'argent (...) Pour vivre à Paris et emmener Mélanie et Lorenzo en vacances, Ingrid me réclamait 50 000 dollars. J'ignorais alors qu'elle vivait aux frais de la République française à Paris (et qu'elle serait finalement invitée sur place par le président des Seychelles). Je lui ai proposé de lui transférer 30 000 dollars immédiatement, soit le montant du "prix Rome pour la paix et l'action humanitaire" que j'avais reçu en son nom et que j'avais mis de côté en attendant son retour. Pour elle, ce n'était pas assez. J'étais un peu surpris. Je lui ai dit que je ne pouvais lui envoyer que 10 000 dollars supplémentaires. Et encore, en vidant mon compte. Elle les a pris. Je n'ai pas bronché (...) Ingrid n'a pas été très sensible au geste. Elle a encaissé le chèque en jugeant la somme encore nettement insuffisante. Elle m'a même demandé de m'endetter. "Si tu n'as plus d'argent, tu n'as qu'à t'en faire prêter, disait-elle sèchement. Demande à tes amis !"
"Les choses se sont gâtées à partir du 1er janvier 2009, quand elle a commencé à me harceler pour que l'on divorce à l'amiable (...) J'ai dit à Ingrid: "S'il te plaît, patiente juste un peu que mon père s'en aille et après, promis, je te signe tous les papiers que tu veux." Je pensais qu'elle montrerait un peu de compassion (...) Mais il en fallait apparemment plus pour l'émouvoir. Ingrid a refusé d'attendre. C'était comme un caprice. Plus rien n'avait d'importance, même pas la mort de mon père. Elle a dépêché un avocat le lendemain, le 11 janvier, à l'hôpital. C'est le jour où, officiellement, j'ai cessé de l'aimer. Je ne reconnaissais plus ma femme."