Si la 35e cérémonie des César a fait le sacre du Prophète de Jacques Audiard, elle était aussi celle du couronnement d'Isabelle Adjani. En obtenant son cinquième César grâce à La Journée de la jupe, l'actrice est revenue sur son trône de reine du Septième Art.
Le sacre de la reine des César
Habillée d'une robe d'un bleu dense et d'un cardigan couleur or signés Azzaro, arborant les bijoux de la maison de Grisogono et chaussée par Fendi, Isabelle Adjani avait tout pour être la reine de cette 35e cérémonie des César.
Isabelle n'a pu retenir ses larmes quand elle a entendu son nom. Sur scène, après une longue étreinte avec son ami Gérard Depardieu qui lui a remis son prix, elle a fait son discours poignant : "Ce César pour La Journée de la jupe couronne peut-être le rôle le plus risqué de ma carrière. Et le petit film dont personne ne voulait." Elle a remercié ses enfants, ses parents et sa voix était prise par les larmes lorsqu'elle s'est adressée à sa mère : "Où que tu sois je pense à toi." Sa maman Augusta, d'origine allemande est décédée en février 2007.
C'est la première fois qu'Isabelle remercie et met en avant ses enfants, le talentueux musicien Barnabé 31 ans - qu'elle a eu avec le réalisateur Bruno Nuytten - et Gabriel-Kane, né en 1995, dont l'acteur Daniel Day-Lewis est le papa.
La tribune des César était aussi l'occasion de rendre hommage aux profs des banlieue, mais aussi à Diam's qui lui a inspiré la "boulette" dans le film, ou alors Zinedine Zidane, et son fameux coup de boule.
En coulisses, elle est revenue sur sa récompense (écoutez l'audio ci-dessus). Elle explique sa grande émotion : "Parce que c'est vrai. Je n'en reviens pas, c'est une toute petite entreprise qu'on ne pensait pas amener si loin. C'est aussi une grande source d'espoir pour ces films prêts de l'humain." Isabelle est bien évidemment fière de sa récompense mais ne s'apesantit pas sur sa performance. Elle se rend compte que le succès de La Journée de la jupe va au-delà de son César : "Tout est possible."
Une préparation royale et minutieuse
Pour affronter l'événement, il fallait toutefois bien se préparer et Le Parisien revient sur la préparation de la Reine Adjani. "Quelques heures avant la cérémonie, Isabelle Adjani avait commencé la journée par des soins du visage et une séance de manucure chez Carlotta, un célèbre institut du VIIIe arrondissement". Puis, pour garder "sa forme physique et se décontracter, elle avait fait quelques longueurs dans une piscine où elle a l'habitude de nager".
Pour une relaxation maximum, elle a aussi humé des "huiles essentielles de fleurs de Bach, l'un de ses petits trucs pour évacuer le stress". Violette, sa maquilleuse qui la suit depuis des années, s'est chargée de son maquillage en fin d'après-midi, tandis que ses cheveux ont été préparés par sa coiffeuse Charlie. C'est à 20 heures que son chauffeur est venue la récupérer pour la déposer au théâtre du Châtelet, prête pour assister à cette prestigieuse soirée.
Une carrière somptueuse mais marquée par des traumatismes
Avec sa performance dans La Journée de la jupe couronnée par un César, Isabelle Adjani est de retour au sommet du septième art. Dans les années 80, elle était la star incontestée du cinéma hexagonal et avait récolté trois César, pour Possession (1982), L'Eté meurtrier (1984) et Camille Claudel (1989). Ses rôles bouleversants de femmes passionnées et/ou torturées usaient beaucoup de son énergie, et certains ont cru que l'ère Adjani était terminée dans les années 90. Six ans plus tard en 1995, elle obtient le prix pour La Reine Margot dont la robe tachée de sang aura marqué les esprits.
Ensuite, elle tournera quelques films, Diaboliques avec Sharon Stone, - un échec -, La Repentie, Adolphe, Bon Voyage, mais cela ne marque pas son véritable come-back. Pendant ce temps, elle se consacre à son fils, Gabriel-Kane en tant que mère-célibataire. Elle fait aussi une psychanalyse, ne fait pas l'éloge de ses traumatismes mais en tire des leçons. Sa relation avec le docteur Delajoux, au coeur du scandale concernant l'état de santé de Johnny Hallyday, n'est pas mise sous le silence et elle en parle comme d'une mauvaise expérience et en accepte les conséquences.
La Journée de la Jupe : d'un petit téléfilm à un film coup de poing
Voilà que quinze ans après son dernier César, elle est de retour plus resplendissante que jamais, comme actrice mais aussi comme femme engagée. En effet, son rôle dans La Journée de la jupe, une professeur dans un collège très difficile qui finit par prendre en otage ses propres élèves, lui permet de revenir sur la scène médiatique avec de nombreux messages. Dans ce film coup de poing, elle transcende tous les clichés des problèmes de société et donne littéralement une claque aux spectateurs. Le fait que La Journée de la jupe soit distribué au cinéma est l'oeuvre d'Adjani qui a défendu la sortie en salles de ce qui devait rester un téléfilm. L'oeuvre est présenté dans 53 salles, "contre l'avis des réseaux dominants, UGC, Gaumont et Pathé".
Face à la force du discours de ce film et son urgence, on aurait espéré que cette fiction brûlante de réalité touchent plus que cela les distributeurs. Qu'importe, le succès à la télévision est probant : 2,2 millions de téléspectateurs ont regardé La Journée de la jupe sur Arte. Si elle sait défendre ses opinions et les sujets qui la touche, comme la lutte contre le sida, n'hésitant pas à prendre position contre le Pape, elle n'oublie pas son sens de l'humour et la parodie que fait d'elle Florence Foresti, ou son Brutus d'actrice titillent malicieusement son sens de l'auto-dérision.
Le règne d'Isabelle continue de plus belle...
A présent, les projets s'amoncellent devant Isabelle. Elle sera à l'affiche de Mammuth, un ovni signé par Benoît Delépine et Gustave Kervern, dans lequel elle retrouve son ami Gérard Depardieu. Ensemble, ils ont déjà tourné Barocco, Camille Claudel et Bon voyage. Dans Mammuth, elle fera une "apparition culottée en femme fantôme". Le JDD explique que par ailleurs, elle travaille également comme caméraman pour ce long métrage : "Peu de gens le savent mais Isabelle est une sacrée technicienne, explique Hassan Guerrar, son attaché de presse. Elle a été la compagne du grand chef opérateur Bruno Nuytten et elle connaît le cinéma par le menu lumière, montage, etc. elle pourrait très bien réaliser."
Avant de la voir dans la peau de réalisatrice, on aura le loisir de la voir sur l'écran. Dans De Force, de l'auteur de la série policière Braquo, Franck Henry, avec Olivier Marchal. Elle a initié le projet de l'adaptation au cinéma d'Imposture sur papier glacé, roman de Catherine Rambert. Elle incarnera une rédactrice en chef 'people' particulièrement barrée. Par ailleurs, elle doit participer au film Parfum d'Alger, projet développé avec Tarak Ben Ammar, producteur de cinéma tunisien.
De reine, Isabelle est devenue impératrice des César !
Samya Yakoubaly