Inclassable et follement débridé, Jean Giraud alias Moebius a marqué de son sceau unique l'univers de la bande-dessinée et du cinéma. À 74 ans, celui qui était considéré comme un dieu de l'imaginaire est mort d'une longue maladie, ce samedi 10 mars. C'est Mathieu Charrier, journaliste sur Europe 1 spécialiste de bande-dessinée, qui a annoncé la nouvelle sur Twitter.
Fasciné par les Indiens et les cow-boys, Jean Giraud commence à dessiner à 12 ans. Quelques années plus tard, il est remarqué par Jacques Dumas alias Marijac, un célèbre dessinateur de bande-dessinée, et commence à travailler dans la mode et la publicité avant de concrétiser sa première histoire, Frank et Jérémie, en 1956.
En 1963, il est contacté par le magazine Pilote pour dessiner le western Blueberry, dont le héros deviendra culte - Vincent Cassel l'a incarné en 2004 dans le film de Jan Kounen. Lancé par le succès, Jean Giraud écoute sa passion pour la science-fiction et devient Moebius, en hommage au ruban de Moebius créé par le mathématicien allemand August Ferdinand Möbius. Le mythe est né.
Après avoir claqué la porte du magazine Pilote, Moebius entre dans la famille de la bande-dessinée de science-fiction underground avec Métal Hurlant et Les Humanoïdes Associés - où il croisera Enki Bilal. Reconnu dans le monde entier avec Arzach, l'histoire "muette" d'un homme et d'un ptérodactyle qui errent, Moebius attire l'attention des artistes du cinéma.
Le réalisateur et scénariste de bande-dessinée franco-chilien Alejandro Jodorowsky lui propose de travailler sur l'adaptation du livre mythique Dune de Frank Herbert, réputé inadaptable. Malgré l'intérêt de Salvator Dali et des Pink Floyd, le projet colossal - Jodorowsky pensait à un film de six heures - s'écroule, faute de moyens. Moebius est alors contacté par Ridley Scott pour collaborer à la direction artiste du film culte Alien (1979). Par la suite, il travaille sur Tron (1982), Willow (1988), Abyss (1989) de James Cameron ou encore Le Cinquième élement (1999) de Luc Besson.
En 2005, une exposition à l'Hôtel de ville de Paris mettait en parallèle les univers de Moebius et Hayao Miyazaki, réalisateur de Princesse Mononoké (1997) et Le Voyage de Chihiro (2001). L'année dernière, la Fondation Henri Cartier-Bresson de Paris organisait la toute première rétrospective consacrée à cet artiste inoubliable. Au milieu des serpents volants, cow-boys virils et autres aliens colorés figuraient les fascinants auto-portraits de Moebius, qui restera pour toujours l'un des visages les plus importants de la bande-dessinée.