Dans les années 1960, la jeunesse se lève et porte les yé-yés au sommet. Françoise Hardy est une déesse, le magazine Salut les copains devient une bible et Jean-Marie Périer, au coeur de cet élan, celui qui photographiera pour la postérité les jeunes années de Françoise, Johnny et Sylvie. Toute une époque.
À l'occasion de la sortie de son nouveau livre – Près du ciel, loin du paradis, chez Calmann-Lévy, en librairies le 18 octobre –, Jean-Marie Périer a reçu Marc Lambron de l'Académie française chez lui dans l'Aveyron pour un grand entretien publié par Le Point. Celui qui a partagé la vie de Françoise Hardy, "dont [il] est devenu en quelque sorte le prince consort", avant son mariage avec Jacques Dutronc en 1967, explique notamment son renoncement aux femmes : "Disons d'abord que j'ai été assez gâté, commence le photographe de 77 ans. J'ai même aimé plusieurs femmes pour toujours. Mais il y a trois choses. D'abord, un homme de mon âge qui met le groin en avant pour réciter des fadaises à une dame, ça peut devenir pathétique. Ensuite, je me suis vu en barbon lorsque ma propre fille a atteint l'âge des jeunes filles que courtisais encore. Enfin, j'ai subi une opération bénigne, mais qui m'a signifié que je changeais d'âge. Notez que les playboys de mon époque sont eux-mêmes assez rangés des voitures. Je n'ai jamais oublié une chose que m'avait dite Jacques Dutronc. Au début de son mariage avec Françoise Hardy, il n'était pas un parangon de fidélité, et c'est un euphémisme. Un jour, je lui demande pourquoi il se disperse de façon aussi effrénée. Jacques me répond : 'Je commence par la fin.' Son idée, c'était de succomber tôt aux tentations qui assaillent les hommes mûrs pour ne pas avoir à y revenir plus tard."
Vieillir est le sujet de son dernier livre. Un livre plutôt pessimiste. Jean-Marie Périer dit avoir quitté Paris parce que la ville qu'il aimait n'existe plus. Celui qui se décrit comme un "suicidaire apte au bonheur" (son frère, le cinéaste Jean-Pierre Périer s'est défenestré en 1966) dit "détester vieillir" : "Ma gueule dans le miroir ne me revient pas, j'ai parfois 16 ans dans ma tête, mais la carcasse proteste." Ce qui le sauve, c'est sans doute de pouvoir continuer la photographie, exposer et écrire. "Quand ma soeur Anne-Marie [l'épouse de Michel Sardou, ndlr] a quitté la direction de Elle, où elle publiait mes photos dans les années 1990, le téléphone a cessé de sonner du jour au lendemain. Si vous avez un métier d'obligations, le temps libre est une délivrance. Mais si vous avez un métier de vocation, c'est une expulsion."
Enfin, dans ce long entretien, Jean-Marie Périer compare la manière dont son père, l'acteur François Périer, qui l'a reconnu à la naissance, et son géniteur, le chanteur Henry Salvador, ont vieilli. Le photographe ne mâche pas ses mots : "François Périer a gardé jusqu'au bout son humour, la délicatesse de faire rire les autres. Henri Salvador, je suis au regret de le dire, a versé dans l'aigreur. Ce n'était d'ailleurs pas nouveau." Et le photographe de se souvenir d'une anecdote que lui avait racontée Johnny Hallyday : à ses débuts, alors qu'il faisait une première partie à l'Alhambra, Henri Salvador criait au parterre : "Virez-moi ce connard." Peut-être pas un connard mais au moins une canaille qui, selon Jean-Marie, vieillit bien : "Même malade, il domine encore." À 74 ans, Johnny Hallyday fait l'objet d'un hommage intergénérationnel avec l'album On a tous quelque chose de Johnny, attendu le 17 novembre. Il travaille également à son prochain disque et a promis de repartir en tournée en 2018.