Évoquant ce mercredi matin sur les ondes de RTL la mort de Jean-Pierre Coffe, survenue dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 mars à l'âge de 78 ans à son domicile de Lanneray (Eure-et-Loir), Laurent Ruquier avait une pensée particulière pour leur complice commun, Philippe Geluck, ami intime de l'ambassadeur de la gastronomie aux coups de gueule jubilatoires. Roi du bon mot et du trait d'esprit, le Belge livre à son tour un témoignage bouleversant, saisissant de sincérité, qui raconte l'homme derrière le personnage haut en couleur aux petites lunettes rondes de prof malicieux.
Il était fou d'amour, et le dernier week-end qu'il a passé chez lui, il l'a passé avec ses petits-enfants.
En écoutant le créateur du caustique et sagace Chat, un fil rouge s'étire, traçant avec tendresse un portrait en creux de l'image médiatique : Jean-Pierre Coffe savait se faire aimer, "espérait simplement trouver l'amour" et, par bonheur, vivait un amour fou, avec Christophe, son compagnon. "Il avait un coeur énorme. Heureusement, il a eu le temps de publier son livre de mémoires [Une vie de Coffe, 2015, éd. Stock, NDLR], se console Philippe Geluck. On sait comme il a été fracassé par la vie à travers la perte d'enfants, à travers la perte d'amis irremplaçables et à travers une carrière très chaotique, puis des restaurants qui ont fait faillite... Heureusement, il a pu nous laisser ce témoignage. En retour, ce qu'il espérait, c'était simplement trouver l'amour, fonder une famille. Et comme un signe du destin, ces dernières années, il avait vécu avec Christophe, un compagnon magnifique, qui l'a rendu tellement heureux, dont il était fou d'amour, et le dernier week-end qu'il a passé chez lui, il l'a passé avec ses petits-enfants."
Ouvertement bisexuel, Jean-Pierre Coffe avait confié en 2013 à l'antenne d'Europe 1 son désir d'épouser Christophe : "Je n'ai pas encore fait ma demande, mais je vais probablement me marier. J'ai raté mes trois mariages [avec des femmes, NDLR], je suis affreusement fidèle et parfois terriblement cocu. Mais je termine avec un mec, et c'est formidable !", déclarait-il, enfin comblé. Quelques mois plus tard, il révélait toutefois dans TPMP que l'intéressé avait décliné : "Pacsé, ça suffit. Déjà, je n'ai pas dit que j'allais me marier, j'ai dit que j'allais faire une demande en mariage... et il a refusé", indiquait-il. La même année, il s'était épanché, dans l'émission La Parenthèse inattendue et dans l'hebdomadaire Paris Match, sur les épreuves terribles qu'il avait eu à endurer. "Fracassé par la vie", pour paraphraser Geluck, Coffe, orphelin d'un père tué au front en 1940 et élevé par une mère avec laquelle il ne développa jamais de liens forts, a notamment eu à faire face à la mort de deux enfants, un fils et une fille. Au regard de ce passé tragique, être grand-père était l'une des joies les plus intenses de son existence...
Il avait cette qualité rare...
Ce mercredi 30 mars, la bande des Grosses Têtes sur RTL, endeuillée, rendra hommage à Jean-Pierre Coffe. De retour dans le programme de culture et d'humour depuis 2014 après en avoir déjà été un acteur sous l'ère Bouvard, il enregistrait encore l'émission avec ses complices la semaine dernière. "Déjà hier, révélait ce matin Laurent Ruquier, pendant qu'on faisait l'émission, Philippe Geluck et moi, nous savions déjà que Jean-Pierre n'était plus des nôtres. Et aujourd'hui, on fera l'émission en le sachant, toujours, qu'il n'est plus là, mais en lui faisant un hommage. Peut-être qu'il n'aurait pas voulu cet hommage, parce que vraiment, il souhaitait partir sans qu'on en fasse trop." Bien qu'il ait été parmi les premiers au courant de sa disparition, le dessinateur et auteur belge peine à réaliser, mêlant passé et présent tant l'aura de son ami est puissante : "On dit souvent dans des cas pareils qu'on ne se rend pas compte, mais je m'attends à le voir demain, après-demain, à l'appeler... C'est la vie, Jean-Pierre Coffe, c'est la vie incarnée, c'est la fidélité, c'est la générosité, et c'est un puits de science. C'était un homme d'une culture infinie, et qui avait tellement envie de partager. Il avait cette qualité rare quand vous l'appeliez de tomber toujours bien, de ne jamais le déranger... Il vous faisait croire que vous étiez le type le plus important du monde... À chacun de nous, à chacun de ses amis, et c'est une de ses grandes forces."
Passionné par les qualités humaines de son défunt ami, Philippe Geluck, qui avait plus d'une fois partagé avec lui le canapé rouge de Michel Drucker, approfondit encore cette vérité, nichée derrière le personnage d'amuseur médiatique et de gastronome militant : "On dit que le Français est râleur. Lui, c'était la quintessence du 'râlisme' ou de la 'râlerie'. Il en avait fait un signe de reconnaissance, comme ses lunettes ! Au-delà de ça, pourquoi les gens l'aiment tellement ? C'est parce qu'il aimait les gens. Si vous l'avez observé avec n'importe qui, au restaurant, sur un marché, avec des collaborateurs, avec des inconnus à la sortie des Grosses Têtes, il a un mot pour chacun, une attention, il regarde les gens. Il n'est pas de ces gens du show business qui donnent la main gauche et qui regardent tout de suite ailleurs. Il s'intéresse aux gens, il les aime, et c'est pour ça que les gens l'aiment."
Jean-Pierre Coffe "ne souhaitait pas que l'annonce de son décès soit divulguée avant son incinération", d'après le quotidien régional L'Écho républicain, qui avait eu plusieurs fois l'occasion de le rencontrer à l'occasion d'événements locaux ou dans sa "grande maison aux volets verts" de Lanneray, au lieu-dit La Forêt, où il vivait depuis plus de quarante ans.
GJ