Ça va finir par devenir une rengaine, Jean Rochefort commence toutes ses interviews par une petite mise au point : non, il n'arrête pas le cinéma mais ne tournera que des projets qui l'enthousiasmeront suffisamment, las de recevoir des scénarios humiliants lui proposant des rôles de papys en tout genre. Il sera sans pitié avec ses collègues comédiens, taclant "l'ange gardien" de TF1, Mimie Mathy, "notre grande artiste populaire" : "Vous avez déjà regardé Joséphine, ange gardien ? Je m'en suis tapé un en entier. C'est pas possible, elle assassine nos contemporains." Qu'il se rassure, la comédienne ne compte pas tenir ce rôle toute sa vie.
Mimie Mathy ne sera pas la seule victime de Jean Rochefort. Lorsqu'il se remémore ses "nanars" du temps passé, il parlera d'Angélique, marquise des anges, sans grand amour : "J'ai tourné ça avec une honte terrible. Le soir, je jouais Harold Pinter face à Delphine Seyrig sur les planches. Et mes journées, je les passais en compagnie de Michèle Mercier qui était, tout de même, au bord du chaînon manquant."
L'inénarrable acteur explique qu'il trimbalait à l'époque "une sérieuse réputation d'obsédé sexuel" : "Alors je me caparaçonnais le pénis pour les scènes de lit. Bien que plus très en forme, j'ai à nouveau eu recours à ce caparaçon lorsque j'ai tourné Désaccord parfait (2006) avec la sublime Charlotte Rampling. Au bout d'un moment, elle s'est aperçue de quelque chose. Au lieu de me retourner une gifle, elle m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit : 'Ah, enfin !'. Elle est formidable." Et pour séduire la gent féminin, il compte sur sa moustache – qu'il n'a rasée qu'une fois, pour Ridicule : "Sans elle, j'ai l'air de ce que je suis, une vraie saloperie, un faux-derch sans lèvres. Je n'inspire pas confiance. Je n'ai pas eu de vie sexuelle tant que je ne l'avais pas laissé pousser : c'était pour Le Misanthrope, au tout début de la télévision couleur."
Plaisantin sans égal, Jean Rochefort reprend son sérieux pour passer de nouveau un coup de gueule contre le cinéaste Terry Gilliam, avec qui il tournait un long-métrage sur Don Quichotte aux côtés de Johnny Depp, un film au tournage maudit qui n'aura jamais été achevé : "Le réalisateur avait interdit qu'on nourrisse le cheval que j'avais durant quarante jours, afin qu'il ressemble au Rocinante de Don Quichotte. Le pire, c'est que j'ai accepté. Le cheval est mort le surlendemain de mon arrêt. J'étais en allégeance, donc j'étais foutu. Mon corps a eu raison de me dire non," explique l'acteur, grand passionné de cheval, éleveur et cavalier aguerri. D'ailleurs, il préfère être décoré du mérite agricole : "Bien plus précieux qu'un César !""L'Artiste et son modèle", en salles le 13 mars