Avec une lucidité et une autodérision ahurissantes, Jean Rochefort est toujours autant un plaisir pour les yeux et les oreilles. Chaque sortie de ce vieux briscard du cinéma français vaut le détour, que ce soit à l'écran pour un énième long métrage, ou bien en interview, où ce passionné d'équidés n'a jamais la langue dans sa poche. Il en a fait sa marque de fabrique.
Dans un entretien accordé au JDD (édition du 9 août), le comédien de 85 ans évoque son dernier film, l'acclamé Floride. Dans ce long métrage chapeauté par Philippe Le Guay, Rochefort incarne un octogénaire atteint d'Alzheimer. Un film au goût forcément particulier. "J'ai tellement d'amis qui en souffrent ou en sont morts qu'à la moindre faiblesse de mémoire, je me dis que ça y est, c'est mon tour !", confie l'intéressé. Ce rôle, "douloureux", a mis son interprète face à une réalité : "Face à moi-même, et à la mort."
La mort, il "la sent venir", mais il craint plus la maladie. "Le corps le demande et la tête parfois aussi", surenchérit l'acteur, pas plus effrayé que cela de partir, mais qui s'avoue déjà peiné de devoir rendre triste des gens lorsque cela arrivera. Avouant avoir eu une vie "magnifique", ce taulier du cinéma français aura vécu son métier d'une manière bien particulière. S'il aime jouer, il ne "rêve pas de mourir sur scène" comme d'autres, parce que pour lui, ses passions sont ailleurs. "Les chevaux et les femmes", glisse-t-il. "Pour moi, la vie a toujours été ailleurs. J'ai tourné beaucoup de nanars parce que j'avais d'autres préoccupations dans l'existence", affirme ce père de cinq enfants, dont deux, Pierre et Julien, sont aussi comédiens. "Je n'ai jamais osé me mêler des choix de vie de mes enfants", signale d'ailleurs à leur sujet celui qui disait il y a peu avoir été un mauvais père, un des rares regrets de son existence.
Dans Floride, il donne la réplique à Sandrine Kiberlain, sa fille aînée dans l'histoire. Un duo irrésistible qui fonctionne, entre complicité et émotion. Même lorsqu'il s'agit d'évoquer l'une des scènes les plus marquantes du film, où Sandrine Kiberlain est notamment obligée de déshabiller son père de fiction. "Je l'ai en effet vécu très désagréablement, confie Jean Rochefort, mais je crois que cela fut pire pour Sandrine." Et de poursuivre, avec humour : "Heureusement, nous avons recouru à un trucage pour qu'elle ne soit pas, en plus, scandalisée par mes dimensions hors norme." Inclassable Jean Rochefort.
Interview à retrouver en intégralité dans le Journal du Dimanche du 9 août 2015.