Si seulement la musique pouvait changer le monde, ou, à défaut, réussir à adoucir les moeurs... Joan Baez, icône de la folk music et de la contestation dans les années 1960-1970, a prêté sa voix et son engagement aux protestants du mouvement pacifiste Occupy Wall Street (OWS), qui, galvanisé par l'exemple du printemps arabe, veut bouleverser la donne aux Etats-Unis en faisant entendre la loi des 99% contre 1% de profiteurs avides, encourageant les citoyens à se rassembler dans chaque jardin et à chaque coin de rue, persuadé qu'il n'y a pas besoin de Wall Street ni de politiciens pour bâtir un monde meilleur.
Comme les légendes David Crosby et Graham Nash trois jours plus tôt au Zuccotti Park (on les a ensuite retrouvés dans le talk-show de Dave Letterman le 8 novembre, puis au dîner annuel caritatif Focus For Change avec Peter Gabriel), Joan Baez a apporté de l'eau au moulin, alors que la contestation née il y a deux mois est soumise à de fortes pressions, à Oakland notamment, après la mort de trois membres d'OWS (dont deux par arme à feu).
A 70 ans, Joan Baez semble ne plus changer, mais n'abandonne rien de son légendaire engagement, qui lui a valu de recevoir le 18 mars dernier une formidable marque de reconnaissance : le premier Prix Amnesty International Joan Baez pour services rendus à la lutte pour les Droits de l'Homme, décerné à celle dont il emprunte le nom à l'occason du 50e anniversaire d'Amnesty International, dont Joan Baez fut une précieuse alliée de la branche américaine dès le début des années 1970. A cette époque, la chanteuse folk avait déjà milité (et fait de la prison) pour les droits civiques (combat marqué par son hit We Shall Overcome chanté lors de multiples marches), pour les Droits de l'Homme et contre la Guerre du Vietnam.
Infatigable, elle était encore sur scène, en plein air à Foley Square, à New York, la guitare en bandoulière, ce 11 novembre 2011, pour se battre pour un monde meilleur. Un combat inégal dont les armes sont les mots de la masse. Fait amusant, beaucoup des manifestants d'OWS n'appartiennent pas à la même génération, loin s'en faut, la plupart d'entre eux n'étant même pas nés lorsque Joan Baez élevait sa voix contre la Guerre du Vietnam. Autant dire qu'il y avait à la fois de l'incongruité et de la beauté à la voir chanter pour ces quelque 300 à 500 personnes sur Foley Square en l'honneur de ce jour de mémoire qu'est le 11 novembre, dédié aux vétérans de guerre !
Le NY Daily News a d'ailleurs voulu en avoir le coeur net et a sondé quelques-uns des manifestants : "C'est un héros de guerre qui a servi au Vietnam, je crois", hasardera par exemple un jeune homme de 19 ans. Peu importe, pour changer le cours des choses, l'union fait la force.
Peu importe aussi qu'elle ait vécu un léger moment de solitude en exhortant à chanter avec elle Where's my apple pie une foule qui n'en connaissait pas la moindre parole : l'affaire fut vite arrangée lorsqu'elle en modifia les paroles en It's time to occupy. Là, succès massif et voix au diapason.