Ce n'est pas la première attaque essuyée par le roi Juan Carlos Ier d'Espagne quant à sa vie privée. Au royaume des têtes couronnées, chacun ses casseroles, plus ou moins fondées et avérées. Le roi Carl XVI Gustaf de Suède a son passé sulfureux, le prince Albert de Monaco comme le roi Albert de Belgique ont été confrontés à la publicité de leurs paternités illégitimes, et Juan Carlos Ier garde, à 74 ans, une étiquette de playboy du gotha. Une facette dont une biographie non autorisée de la reine Sofia, genre en vogue dans les sphères royales, fait ses choux gras...
Chambre à part depuis 1976 ?
Habilement titré La soledad de la reina: Sofía una vida (La solitude de la reine : Sofia, une vie) et a priori centré sur l'existence de la reine Sofia d'Espagne, dans l'ombre et au côté du monarque, cet ouvrage signé Pilar Eyre, licenciée par la chaîne Telecinco suite à cette publication, vient de provoquer la stupeur générale en dressant du roi en fonction un portrait de "womanizer" (un séducteur en série) dont la reine, son épouse depuis 1962 (huit ans après leur rencontre), n'aurait plus partagé le lit conjugal depuis plus de 35 ans.
L'auteure, Pilar Eyre, âgée de 60 ans, n'en est pas à son coup d'essai : journaliste issue de la presse écrite et devenue très populaire en radio et en télévision, elle avait fait son entrée en littérature en 1985 avec un ouvrage - déjà - sensationnaliste, Vips: todos los secretos de los famosos (VIPs:tous les secrets des célébrités, suivi, en 2008, de Riches, célèbres et abandonnés), décortiquant l'arrière-plan du starsystem. Ces dernières années, elle s'est consacrée à des investigations sur la famille royale : Dos Borbones en la corte de Franco (Deux Bourbon dans la cour de Franco, 2005) sur les rapports entre le roi Juan Carlos et feu son cousin germain Alphonse de Bourbon, qui renonça au trône, Secretos y mentiras de la Familia Real (Secrets et mensonges de la famille royale, 2007), Ena. La novela (Ena, le roman, 2009) sur la reine consort Victoria Eugenia, Pasión imperial (Passion impériale, 2010) sur l'impératrice Eugenie (Eugeine de Montijo, épouse de Napoléon III), ou encore Maria la brava: La madre del rey (Marie la brave: la mère du roi, 2010), sur la princesse María de las Mercedes de Bourbon-Siciles, mère de Juan Carlos Ier. Malgré ce bagage bien fourni, Pilar Eyre n'est pas rassasiée...
L'hypothèse d'un flirt avec Lady Di ressurgit
Dans La solitude de la reine: Sofia, une vie, la biographe qui dérange n'hésite pas à avancer la thèse d'un flirt survenu dans les années 1980 entre le roi Juan Carlos et la princesse Diana de Galles, et celle d'un mariage qui ne tient plus qu'à un fil, en l'occurrence le "sens du devoir" de la reine Sofia. Décrivant le monarque espagnol, symbole vivant de la monarchie parlementaire et de la démocratie en son pays, comme un "séducteur professionnel" ayant multiplié les aventures extra-conjugales, l'ouvrage s'attarde sur une passade avec Lady Di au milieu des années 1980.
En écho aux rumeurs propagées en 2004 par Lady Colin Campbell sur une love affair supposée, à l'été 1986 et au printemps suivant, entre le monarque espagnol et la princesse de Galles qui avait épousé le prince Charles en 1981, Pilar Eyre revient sur des vacances du couple britannique à Majorque en 1987, où Juan Carlos Ier aurait fait des avances "tactiles" à Lady Di, et sur un épisode à Madrid la même année, où le roi ibérique aurait accompagné un baise-main d'un sourire et d'un regard appuyés, mettant mal à l'aise Diana. La Soledad de la reina prétend en outre que la reine Sofia aurait même surpris en 1976 son époux en compagnie d'une de ses maîtresses, en l'occurrence l'actrice Sara Montiel, dans la maison de campagne d'un ami à Tolède, et qu'elle ne partagerait plus la couche conjugale depuis cette année-là. 35 années à faire chambre à part, mais un mariage toujours debout par le seul fait de l'abnégation de la reine Sofia. La biographie non autorisée va jusqu'à affirmer que le roi Juan Carlos Ier cultive une obsession de la jeunesse (injections de vitamines, traitement anti-âges) et "fréquentait" même une jeune interprète allemande de 25 ans l'an dernier, alors qu'il était en convalescence après avoir subi l'ablation d'une tumeur qui, bien que bénigne, inquiéta ses sujets sur son état de santé.
La reine Sofia résignée à une vie de tragédienne ?
Autant d'éléments avancés pour mieux mettre en relief la terrible solitude supposée de la reine Sofia : "Le rôle de la reine est triste, c'est la femme la plus esseulée d'Espagne", assène-t-elle, un rien mélodramatique. Et d'ajouter, dans le magazine à scandales Vanitatis : "La reine Sofia est une femme bafouée et blessée, avec une vie de femme mariée qui s'apparente à une tragédie. Les proches du roi avec lesquels j'ai parlé ne l'aiment pas."
Reste désormais à voir l'impact de ces allégations fracassantes sur l'aura d'un monarque très apprécié de ses sujets et qui a fait acte de transparence fin 2011 en publiant les comptes de la Maison royale suite au scandale Noos dans lequel est empêtré son gendre Iñaki Urdangarin. Pour leur auteure, les conséquences n'ont pas tardé à se faire sentir : Pilar Eyre a été désavouée par la chaîne Telecinco qui l'employait, selon l'aveu de l'intéressée même ("La chaîne a interdit d'évoquer ton ouvrage et ne t'autorise plus à travailler pour elle. Tu es bannie, Pilar, désolé", se serait-elle entendu dire). Une mise au pilori parfaite pour faire du bourreau du roi une martyre, et ainsi doper les ventes de son livre tapageur...
G.J.