Dans quelques jours, les 16 et 17 mai, Juliette Gréco montera sur la scène de l'Olympia pour chanter Jacques Brel. À 87 ans, malgré un coeur qui lui joue des tours, "un vieux fou à l'image de sa patronne", disait la chanteuse dans Le Journal du dimanche en octobre dernier, et un trac fou, elle prépare avec passion ces récitals dédiés à celui qui fut son ami durant vingt-cinq ans. C'est aussi grâce à lui qu'elle a rencontré son mari et complice sur scène, le pianiste Gérard Jouannest. Juliette Gréco revient dans Le Parisien sur ces deux rencontres fondamentales.
Après Philippe Lemaire et Michel Piccoli, Juliette Gréco épousa en 1988 Gérard Jouannest. C'est par l'intermédiaire de son ami Brel, dont il a été le pianiste et le compositeur pendant dix ans, que la chanteuse aux grands yeux noirs a rencontré le dernier homme de sa vie. "C'était un matin [de 1961, NDLR] où je tombais du lit, j'avais dû faire la fête toute la nuit, a confié au Parisien Juliette Gréco ce week-end. Il était midi, j'étais en déshabillé vaporeux et ils étaient venus me présenter la chanson On n'oublie rien. Plus tard, j'ai retrouvé Gérard Jouannest à la faveur d'une double annulation : le même jour, Barbara a annulé une tournée avec Gérard et, de son côté, mon pianiste a été hospitalisé. Du coup, j'ai fait appel à lui, et on ne s'est plus quittés."
Captivée
Quelques années plus tôt, Juliette Gréco faisait la connaissance de Jacques Brel. Une rencontre qui tient d'abord du coup de foudre artistique dans un cinéma de la place Clichy : "En avril 53 ou 54. Il jouait trois chansons entre deux films, se souvient Gréco. J'ai vu entrer ce type dégingandé, avec ses grands bras, son tabouret et sa guitare, je me suis dit : 'C'est quoi, ça ?' Personne ne l'écoutait. Moi je suis restée plantée sur mon siège, captivée." Juliette Gréco le fait venir chez elle. "J'habitais rue de Verneuil, à Paris, et j'ai vu arriver ce grand escogriffe aux yeux de braise, genre goudron liquide. Il a commencé à chanter, et je suis encore restée clouée." Brel lui fait écouter plusieurs chansons, elle choisit "la plus difficile", Le Diable (ça va). Juliette Gréco est la seule pour qui Jacques Brel a écrit.
Plus de trente-cinq ans après sa disparition, Juliette Gréco lui consacre un album - Gréco chante Brel, paru le 28 octobre 2013 - et ce récital qu'elle répète avec Gérard Jouannest, toujours, dans leur propriété de Verderonne, dans l'Oise. Chanter Brel, c'est une manière pour elle de le faire revivre : "Il fallait faire ce disque car Brel est là. Il est parti je ne sais où mais au fond, le plus sûr moyen de mourir restant l'oubli, il ne meurt jamais" (Le JDD, octobre 2013). Un Brel unique à qui Stromae est souvent comparé. Juliette Gréco voit autre chose en lui que l'héritier : "Il a une élégance, une beauté et une force propres."